Une Gaspésie à la recherche d’humains
Carleton-sur-Mer | Depuis plusieurs années déjà, l’enjeu démographique représente le boulet que traîne à son pied la Gaspésie. Sur ce plan, nous vivons actuellement à l’âge des extrêmes. Pendant que des coins du monde débordent d’humains, d’autres, comme la Gaspésie, sont en déficit démographique. Bien qu’il soit possible de faire mentir les statistiques, il n’en demeure pas moins que l’avenir de la péninsule en préoccupe plus d’un. Et, jusqu’à preuve du contraire, une région assure sa survie en renouvelant sa véritable matière première, soient ses femmes, hommes et enfants…
Au 1er juillet 2018, la Gaspésie dénombrait 78 558 personnes. Nous voilà sous la barre des 80 000 habitants pour la première fois depuis des décennies. À observer de près la tendance, si elle se maintient, l’Institut de la statistique du Québec prévoit une diminution de 9 % de la population gaspésienne d’ici 2041, ce qui nous amènerait à un peu plus de 70 000 habitants. Malgré tous les efforts louables et nécessaires consentis à renverser la pyramide des chiffres, le portrait d’ensemble demeure inquiétant.
Lorsqu’on s’y arrête, on constate rapidement que la démographie joue un rôle déterminant dans l’évolution des sociétés. À titre d’exemple, si la démographie gaspésienne prenait l’allure d’une boule de cristal, nous y verrions bien plus que des humains s’alignant comme des pions sur un territoire. En regardant de plus près, nous constaterions que la démographie influence grandement le niveau de vie d’une population. On a qu’à penser à la qualité des services qui lui sont offerts, au besoin en main-d’oeuvre, à l’occupation du territoire, au développement des régions et à leur poids politique. Une décroissance de la population gaspésienne se traduirait donc inévitablement par des pertes d’acquis significatifs. Certaines sont déjà observables pour ne nommer que la suspension du service de train de passagers, la pénurie de main-d’oeuvre dans bien des domaines et la grandeur surdimensionnée des comtés tant au palier provincial que fédéral.
La Gaspésie, du haut de ses milliers d’années, en a vu d’autres, certes, mais le défi demeure de taille. Sauf à de rares exceptions, la région enregistre depuis une vingtaine d’années plus de décès que de naissances, ce qui nous propulse à la tête des régions les plus âgées du Québec. Un Gaspésien sur quatre a plus de 65 ans! Quant à sa capacité d’attirer des immigrants internationaux, la péninsule part avec un sérieux handicap puisque ces derniers sont attirés instinctivement par les grands centres où ils peuvent se rassembler et y retrouver des services plus adéquats.
Pourtant, à une autre époque, la Gaspésie savait attirer des gens provenant de contrées lointaines. Il faut en convenir, les temps ont bien changé. Ces gens venus d’ailleurs ont bâti la Gaspésie moderne. Bretons et Basques sont d’abord débarqués sur la terre des Mi’gmaqs, bien avant le passage de Cartier. Ce dernier permet ensuite l’installation de Français dans notre région, Français qui convoitent les eaux poissonneuses de la Gaspésie. C’est la nourriture, mais aussi le travail qui les amènent ici. La Conquête de 1760 provoque par la suite l’avènement des Anglais, des Anglo-Normands, des Irlandais et des Écossais, sans oublier des Acadiens et des Loyalistes qui recherchent un lieu de refuge après avoir vécu des années orageuses.
L’arbre généalogique de la Gaspésie ressemble donc très tôt dans son histoire à une mosaïque culturelle. Il est étonnant d’entendre de nos jours des Gaspésiens dire à des nouveaux arrivants, non méchamment, qu’ils ne sont pas d’ici, alors que les Gaspésiens, à l’origine, viennent tous d’ailleurs…
Le Québec vieillit. La Gaspésie également, mais à un rythme plus accéléré. Si nous souhaitons maintenir les services actuels et conserver, pour ne pas dire reprendre dans certains cas, nos acquis chèrement gagnés, il faudra exiger du gouvernement québécois des États généraux sur le monde rural et une véritable politique nationale des régions. Le compte à rebours est lancé…