Une rentrée sur toile de fond de COVID-19 (texte 2/3)
Comme ceux d’ailleurs en province, les professeurs de la région ont effectué leur rentrée scolaire il y a quelques semaines, une étape venant un peu plus tard que prévu et compliquée par les précautions à prendre en raison du contexte de pandémie. Comment ces enseignantes, enseignants et membres du personnel de soutien ont-ils abordé cette rentrée 2020? S’attendaient-ils à mieux ou à pire que ce qu’ils ont vécu le printemps passé? Avaient-ils de l’appréhension, de la hâte? GRAFFICI a rencontré cinq personnes œuvrant dans le domaine de l’éducation; elles nous ont présenté leur façon de voir et de faire, à la fin du mois d'août, ainsi que leur perception du moment.
Prendre le temps d’atterrir
Gaspé | Signe d’un redressement de la situation sur le plan épidémiologique, les écoles secondaires du Québec ont rouvert leurs portes aux enseignants et aux élèves. Or, des interrogations demeurent. Et si les rentrées comportent toujours leur lot de nouveautés, cette rentrée-ci s’inscrit dans un contexte inédit chamboulant la liste des priorités. Ouvrant la marche de ce retour automnal, la sécurité des élèves et du personnel enseignant sera de première importance.
«On veut accueillir les élèves de manière sécuritaire. C’est la priorité », soutient d’entrée de jeu Pierre-Luc Synnott, enseignant en éducation physique et à la santé à l’école C.-E.- Pouliot de Gaspé. «L’autre affaire, c’est qu’on veut prendre le temps d’atterrir avec eux, de discuter, d’apprendre les routines. Au secondaire, ils ne sont pas retournés à l’école depuis mars », rappelle-t-il.
Souriant, accueillant et chaleureux
Hors des murs des établissements pendant près de six mois, les élèves retrouveront un milieu certes connu, mais aux règles et aménagements bien différents. Pour faciliter le respect des consignes, on a littéralement quadrillé l’établissement de ruban adhésif: flèches indiquant les directions, délimitation d’espaces, etc. «Tout le monde est à pied d’œuvre, les soutiens professionnels, les éducatrices et éducateurs, la direction, les enseignants, affirme fièrement Pierre-Luc Synnott. Tout le monde a placé des lignes de tape pour montrer la marche à suivre. »
De plus, comme c’est le cas dans les écoles primaires, on utilise le concept de groupe-classe, une bulle où il n’y a aucune contrainte en lien avec la distanciation physique. Par ailleurs, les élèves sont assignés à un seul local, sauf pour les cours d’arts et d’éducation physique. Enfin, le port du masque est obligatoire dans les aires communes, comme la cafétéria, le gymnase ou les couloirs. Dès qu’il arrive en classe, l’élève peut retirer son masque. «Les élèves doivent se côtoyer le moins possible », résume l’enseignant.
Foncièrement austères et contraignantes, les mesures sanitaires mises en place afin de réduire les risques de contagion n’empêcheront par les enseignants d’œuvrer au bien-être des élèves, tout en assurant leur réussite scolaire. «On veut que les élèves soient bien. Ça va être primordial de créer un lien, indique Pierre-Luc Synnott. Toutes les années, je dis qu’il faut être souriant, accueillant et chaleureux avec les jeunes. C’est le mot d’ordre qu’on s’est donné pour la présente rentrée », ajoute-t-il.
Savoir s’adapter
Effectuant eux aussi un retour en classe depuis l’interruption au printemps, les enseignants devront tout autant respecter une série de mesures, en plus de devoir adapter leurs méthodes pédagogiques. Pour Pierre-Luc Synnott, la pandémie et ses répercussions sur le milieu scolaire imposent de réfléchir autrement. «Pas seulement pour moi, mais pour tous les collègues, on doit think outside the box (sortir des sentiers battus), expose celui qui pilote également plusieurs activités parascolaires. De mon côté, on va faire plus de sports à l’extérieur, des défis d’orientation, possiblement du vélo de montagne, de la raquette et du ski de fond l’hiver », énumèret-il.
Dans l’éventualité d’un reconfinement partiel ou complet, l’enseignant a prévu diverses évaluations, en plus de peaufiner un plan de cours qui se déclinera de manière virtuelle. La dernière année s’étant conclue en ligne, Pierre-Luc Synnott estime que les enseignants, épaulés par les professionnels de l’éducation, sauront reprendre le collier en cas d’une nouvelle fermeture des écoles. « (Au printemps), les gens se sont virés de bord rapidement. Pis, ce n’est pas vrai que tout le monde était habilité à donner des cours en ligne. Mais on s’est adaptés, et ça, c’est toujours pour la réussite des jeunes », conclut celui qui est aussi vice-président du Syndicat des travailleurs de l’éducation de l’Est du Québec.
Pierre-Luc Synnott est aussi vice-président du Syndicat des travailleurs de l’éducation de l’Est du Québec. Photo : Olivier Béland-Côté
Rentrée scolaire au primaire: mettre en pratique de nouvelles habitudes
GASPÉ | Fébrilité, certes. Mais inquiétude, aussi. La rentrée scolaire 2020 est auréolée de mystère, la réorganisation que force la pandémie constituant un défi sanitaire et logistique important. Conformément aux recommandations des autorités de la santé publique, la réouverture des écoles primaires signifie une série de mesures d’hygiène prophylactiques: port du masque, désinfection régulière des salles, concept de bulles assurant la distanciation. Si cela signifie une grande adaptation pour bon nombre d’élèves, le retour progressif au printemps aura permis à plusieurs de se familiariser avec les nouvelles consignes.
«C’est sûr que c’est une rentrée différente», lance d’entrée de jeu Simon Cabot-Thibault, enseignant en éducation physique à l’école SaintRosaire de Gaspé. Globalement, les quelque 500 élèves de l’établissement, de la première à la sixième année, seront répartis en groupes-classes formant chacun une «bulle». «À l’intérieur de ces bulles, les élèves n’ont pas à respecter de distanciation, poursuit-il. Les élèves doivent cependant garder deux mètres de distance avec les enseignants et un mètre avec les élèves des autres groupes-classes», explique-t-il.
Pratique au printemps
La réouverture progressive des écoles primaires en mai dernier a constitué en quelque sorte une répétition générale avant la première représentation, cet automne. «J’ai l’impression que le printemps, c’était une pratique pour l’automne, soutient Simon Cabot-Thibault. Il y a des habitudes qu’on a mises en place, comme le lavage de mains ou le contrôle des entrées et sorties des élèves, c’est quelque chose de connu par le personnel et les élèves présents au printemps», avance celui qui enseigne de la troisième à la sixième année.
L’évolution de la compréhension du virus a toutefois engendré de nouvelles pratiques, comme le port du masque, qui n’était pas obligatoire ce printemps. Les élèves de la cinquième et de la sixième années devront par exemple le porter en tout temps dans les aires communes. S’attend-il à quelque forme d’opposition? «C’est certain qu’il va y avoir un apprentissage à faire, comme on a tous eu à faire, admet celui qui est aussi délégué syndical à Saint-Rosaire. Mais en général, les élèves suivent très bien les consignes.»
Le concept de bulle pour chaque groupe-classe permet par ailleurs aux élèves d’entrer directement en contact. Une façon de faire beaucoup plus facilitante, selon Simon Cabot Thibault. «C’est ce qui est bien si on compare au printemps, où là, tous les élèves devaient garder une distance de deux mètres. C’était pas mal plus problématique pour toutes les activités physiques ou les travaux académiques d’équipe», constate-t-il.
Inquiétudes en cas de fermeture
Généralement satisfait du plan gouvernemental pour la rentrée scolaire, Simon Cabot-Thibault émet cependant des doutes sur la façon dont les écoles pourront réagir en cas de fermeture. «Le gouvernement nous a annoncé que chaque école devait se doter d’un plan d’urgence qui pourra être mis en application très rapidement pour devenir une école 100% virtuelle, expose-t-il. J’ai un gros questionnement par rapport à ça. C’est peut-être là le plus gros défi de l’automne.»
Le déploiement en ligne des écoles exigera que chaque élève soit muni d’ordinateurs et de tablettes électroniques et apte à les utiliser. Ce qui n’est pas nécessairement le cas, dit l’enseignant. «Si on reconfine et que les parents doivent travailler de la maison, les parents vont utiliser les ordinateurs. Dans des milieux plus défavorisés, il y a peut-être un manque d’équipements. C’est tout ça qui est à évaluer.»
Simon Cabot-Thibault enseigne l’éducation physique à l’école Saint-Rosaire de Gaspé.
Photo : Olivier Béland-Côté