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9 février 2023 14 h 23

ACCESSIBILITÉ UNIVERSELLE dans les infrastructures et les services municipaux; partie 1/3

Gilles Gagné

Journaliste

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En Gaspésie comme ailleurs, la situation des personnes à mobilité réduite par un handicap s’améliore, mais les progrès restent lents pour les principaux intéressés, les gens se déplaçant en fauteuil roulant et leur entourage. Elles et ils se butent à des édifices rarement conçus en fonction de leurs besoins d’accessibilité et à des services de transport en contraction, tout ça dans un contexte de pénurie de main-d’oeuvre qu’il serait possible d’atténuer avec leur participation accrue, pour peu qu’on leur faciliterait la tâche. Il s’agit aussi d’une question d’équité sociale, d’épanouissement culturel et sportif. GRAFFICI présente ici quelques angles à ce sujet.

INFRASTRUCTURES
Accès des personnes handicapées dans les lieux publics : l’oeuf ou la poule

BONAVENTURE | « Je me suis souvent fait répondre par des propriétaires de commerces ou de lieux de service qui n’ont pas de rampe: “On n’a pas d’handicapés qui viennent ici”. C’est certain qu’ils ne viennent pas. Ils ne peuvent pas! J’aimerais que le monde réalise ce que c’est, vivre en fauteuil roulant! »

Sonia Arsenault raconte ainsi certaines des frustrations qu’elle vit comme personne se déplaçant en chaise roulante quand elle tente de convaincre divers propriétaires d’aménager leur établissement en fonction d’ouvrir l’accès à des gens comme elle, au moyen d’une rampe et d’une porte électrique munie d’un bouton accessible. Le dernier détail semble évident mais elle en a vu, depuis 16 ans, des boutons inatteignables.

Mme Arsenault siège au conseil d’administration de l’Association des personnes handicapées Action Chaleurs (APHAC), dont le siège social est situé à Bonaventure. Elle souffre de sclérose en plaques depuis 24 ans, et elle est confinée en permanence à un fauteuil roulant depuis 2010.

Au-delà de l’indifférence apparente ou réelle de certains commerçants au sort des personnes à mobilité réduite, elle déplore que le manque d’accessibilité en plusieurs lieux crée une sorte d’effet en chaîne, enclenchant un cercle vicieux. On les oublie parce qu’on ne les voit pas assez, et on ne les voit pas assez parce qu’on les oublie dans la planification des bâtiments.

« Souvent, les choses ne sont pas faites au bon moment. Ça prend une petite plainte pour obtenir une rampe, une porte électrique, un bouton pour l’ouvrir. Si c’était pensé en commençant, ces aménagements coûteraient pas mal moins cher », souligne Pascale Poirier, directrice de l’APHAC.

En somme, là comme ailleurs, l’argent influence la prise de décision, parfois exagérément. Dotés de meilleurs moyens, les gouvernements ont pris de l’avance sur le secteur privé en matière d’aménagements pour personnes à mobilité réduite, mais ce n’est pas encore parfait.

« L’obligation est là pour le gouvernement, mais elle n’est pas toujours respectée. Les entrepreneurs en construction disent que c’est là qu’ils coupent quand il y a un dépassement de coûts. Ils n’ont pas tous une Sonia Arsenault dans leur famille. Je veux aller partout. Au pub à Bonaventure, il y a une rampe, mais pas une porte électrique. J’ai demandé une sonnette. Ils en ont mis une », ajoute Mme Arsenault. Pascale Poirier aimerait bien que la société en général pense à long terme. « Tu peux aussi être en situation de handicap temporairement. On souhaite donc un accès universel », précise-telle.

La situation s’améliore-t-elle? « Oui, mais on en a encore un tas à faire. Les gens ne comprennent pas vite. Pour installer des portes électriques, ça prend des portes plus larges. Je ne compte plus les endroits où le bouton n’est pas à la bonne place. Les organisations publiques vont aller plus vite. L’entreprise, quand on en voit une nouvelle, et qu’il y a quelque chose à couper, c’est souvent la porte électrique ou le bouton », insiste Sonia Arsenault.

Pendant une cinquantaine d’années, les principaux bureaux de l’hôtel de ville de Bonaventure et la salle de réunion, tous situés au second étage, ont été inaccessibles aux handicapés.

« Je m’étais informée pour vérifier si une dame en fauteuil roulant pouvait monter au deuxième étage. On m’avait répondu: “On la prendra dans nos bras pour la monter”. Euh, non. Ça ne fonctionne pas comme ça », assure Pascale Poirier.

En rénovation depuis un an, cet hôtel de ville sera accessible pour tous lors de sa réouverture, assure le maire Roch Audet, rappelant aussi que le nouvel aréna de Bonaventure est adapté aux personnes à mobilité réduite.

Il est permis de penser que dans la MRC de Bonaventure, plusieurs prochaines décisions seront alignées sur ce modèle.

« On a un projet; on va avoir de l’argent pour faire une tournée de la MRC pendant plusieurs semaines pour vérifier les niveaux d’accessibilité des endroits publics, des commerces. On veut donner des recommandations. Notre tournée devrait avoir lieu au printemps. Ça devait avoir lieu avant la pandémie », souligne Pascale Poirier.


Pascale Poirier et Sonia Arsenault posent à l’entrée de la rampe de l’église de Bonaventure. Le déneigeur y a amassé la neige de la dernière bordée, la rendant ainsi impraticable. Photo : Gilles Gagné

SERVICES MUNICIPAUX
Le couple Boudreau-Essiambre: une bataille pour des services municipaux plus inclusifs

CARLETON-SUR-MER | Être parent d’un enfant handicapé impose des luttes pour que cette progéniture bénéficie d’un minimum de services, même en visant le maximum. Manon Boudreau et Rémi Essiambre en savent quelque chose.

Leur fils Marc-Antoine s’est brisé la colonne vertébrale à l’été 2010 en plongeant à la plage municipale de Carleton-sur-Mer. Il a frappé une roche au fond de l’eau et il est devenu quadriplégique à 15 ans.

Ses parents ont entamé, sans succès jusqu’à maintenant, une action en justice afin de prouver que la Ville de Carleton-sur-Mer avait une responsabilité dans l’accident. Âgé de 27 ans, le jeune homme demande depuis un an une rétractation du jugement rendu en 2021 et lavant la Ville de toute responsabilité dans l’affaire.

Un long parcours

Peu après l’accident, Rémi Essiambre demande à ce que la rampe pour fauteuils roulants de la Maison des jeunes ne repose pas « dans un trou de vase. J’ai demandé de mettre des dalles de patio. Finalement, c’est moi qui suis allé les chercher chez BMR. La quincaillerie me les a données, et ce sont les jeunes qui les ont posées », dit-il.

Dès 2011, M. Essiambre propose l’installation d’un ascenseur, toujours à la Maison des jeunes. « Le maire de l’époque n’était pas ouvert à ça. Un administrateur de la Maison des jeunes m’a dit d’arrêter de revendiquer, que j’allais la faire fermer. »


Rémi Essiambre insiste sur le fait qu’il ne mène pas une lutte seulement pour son fils. Photo : Gilles Gagné

En 2017, Rémi Essiambre entame une autre lutte, celle de l’accessibilité à l’aréna Léopold-Leclerc pour Marc-Antoine, un ex-joueur de hockey, mais aussi pour d’autres personnes à mobilité réduite. Le projet de réfection de l’aréna est en planification en 2017 et il veut profiter de la situation pour que les travaux facilitent cette accessibilité.

« Au début, la Ville voulait simplement une rampe pour monter à la mezzanine. Une rampe, c’est un pied du pouce [un pied horizontal par pouce d’ascension verticale] avec un palier à tous les 30 pieds. La mezzanine est à 76 pouces du sol. Ça voulait dire 76 pieds de rampe, plus les paliers d’arrêt pour le repos. Ça donnait presque 100 pieds de rampe », note M. Essiambre, incrédule.

Selon les règles, il faut aménager un palier d’au moins 4 pieds, ou 1,2 mètre, à tous les 30 pieds (9 mètres) de rampe. En comptant les paliers du bas et du haut, la rampe de cet aréna aurait mesuré 92 pieds.

« La Ville a finalement choisi un monte-charge extérieur à la mezzanine, mais abrité. En principe, il coûte moins cher, 18 000 $, mais ça dépendra de ses frais d’entretien, 2000 $ selon la Ville. Bien entretenu, ça va durer 15 ans, maximum. En 30 ans, je pense qu’il en faudra deux ou trois, donc 54 000 $. Je pense que ça va coûter plus cher, l’entretien à l’extérieur, donc plus de 6000 $. Un ascenseur de bonne qualité aurait coûté plus cher, à environ 125 000 $, mais le gouvernement en aurait payé les deux tiers dans le projet initial, ce qui aurait finalement été moins coûteux et ce qui aurait garanti l’accès à tout l’aréna. L’été, pendant le festival Bleu-Bleu, les spectacles se passent au niveau de la glace. Les gens en fauteuil roulant auront seulement accès à la mezzanine, un endroit fermé », déplore Rémi Essiambre.

La mezzanine ne constitue en outre que l’un des trois niveaux de l’aréna. « En plus, je ne suis pas capable d’avoir le montant qui a été épargné avec le système de monte-personne. Je trouve qu’il n’y a pas beaucoup de transparence sur la question de l’aréna », conclut-il à propos d’un projet total de 6,5 millions de dollars (M$) en cours depuis la mi-janvier.

Le maire Mathieu Lapointe précise qu’un ascenseur intérieur aurait entraîné des coûts supérieurs à 125 000 $, même incluant la subvention gouvernementale.

« Pour installer un monte-personne à l’intérieur, il aurait fallu installer un mur de béton, parce que la structure de l’aréna n’est présentement pas faite pour ça. Juste cet élément, le mur, qui revenait aussi à casser la dalle de béton, aurait coûté 200 000 $, sans compter les autres changements intérieurs que ça aurait engendrés », dit-il.

M. Lapointe précise que l’obligation pour la Ville de réduire de 1,5 M$ la facture liée à la réfection de l’aréna, et la limite de 2 M$ de subvention gouvernementale ont forcé son administration à faire des choix, et pas
seulement pour l’accessibilité de l’édifice pour les personnes handicapées. Cette hausse des frais de chantier a aussi mis un terme à la ventilation des coûts associée à chacune des options d’accessibilité, comme le voulait Rémi Essiambre.

Le maire garde la porte ouverte à une accessibilité totale de l’aréna. « Concernant les deux autres niveaux, nous regardons différents scénarios, mais je ne peux pas m’avancer sur ces derniers pour l’instant. Nous demeurons très sensibles aux enjeux d’accessibilité universelle. Il se peut qu’on bonifie la situation actuelle durant les travaux ou après lesdits travaux, mais il est trop tôt pour que je me prononce là-dessus », dit M. Lapointe.

ACCESSIBILITÉ UNIVERSELLE dans transports et les commerces ; partie 2/3
ACCESSIBILITÉ UNIVERSELLE pour la main d’oeuvre et coup d’oeil sur la situation  ; partie 3/3