DÉCLIN TRANQUILLE ANNONCÉ POUR LA POPULATION GASPÉSIENNE
GASPÉ, avril 2015 – Malgré les efforts de différentes organisations régionales visant à faire augmenter la population en âge de travailler, les données les plus récentes de l’Institut de la statistique du Québec (ISQ) annoncent un déclin tranquille de la population gaspésienne pour les 20 prochaines années.
C’est surtout le vieillissement de la population qui vient annuler les efforts de recrutement et de rétention. « Qu’on ait une baisse de la population parce que les jeunes s’en vont, c’est complètement faux. C’est un mythe! », affirme le coordonnateur de la Stratégie d’établissement durable des personnes en Gaspésie et aux Îles-de-la-Madeleine, Danik O’Connor. « Les10 dernières années, notre population a diminué parce qu’on est la seule région au Québec où il y a plus de décès que de naissance par année. On part le compteur à -300 personnes et là, il y a la migration qui entre en ligne de compte. Il faudrait qu’on ait un solde migratoire positif de 300 personnes par année. On ne créerait que l’équilibre », explique M. O’Connor.
Le défi est d’aller chercher des gens « dans la fleur de l’âge » : « Il faut aller en chercher un minimum de 300 et si on veut être plus précis, c’est 300 dans la trentaine et qui veulent avoir des enfants », illustre M. O’Connor pour expliquer comment renverser la tendance de l’accroissement naturel négatif.
Accroissement naturel négatif
Qu’est-ce que l’accroissement naturel de la population? C’est la différence entre le taux de natalité et le taux de mortalité. En Gaspésie-Îles-de-la-Madeleine, les données de l’ISQ démontrent un taux de mortalité (8.9 pour mille) supérieur à celui des naissances (7,1 pour mille) depuis 2001.
Autrement dit, la population diminue naturellement chaque année. En 2013, date des dernières données en la matière, le taux de mortalité était de 10,9 pour mille contre 8,0 naissances pour mille.
Aussi, la population totale de la Gaspésie-Îles-de-la-Madeleine est passée de 95 206 en 2006 à 92 472 en 2014, soit une baisse de 2734 personnes en huit ans. Seulement pour la période de 2011 à 2014, on note une perte de 7,1 pour mille.
Bilan migratoire
Les dernières données statistiques indiquent que la Gaspésie-Îles-de-la-Madeleine affiche « un taux net de migration interrégionale de – 0,39 %. Sans revenir à leur niveau du début des années 2000, ces pertes contrastent néanmoins avec les légers gains ou les soldes presque nuls enregistrés de 2008-2009 à 2011-2012.
Par ailleurs, la Gaspésie–Îles-de-la-Madeleine connaît le déficit le plus important au Québec chez les 15-24 ans. En 2013-2014, son taux net de migration interrégionale dans ce groupe d’âge est de – 3,25 %, ce qui équivaut à 300 personnes. Des pertes, beaucoup plus modestes, sont aussi enregistrées chez les 0-14 ans, les 25-44 ans et les 65 ans et plus. En revanche, la Gaspésie–Îles-de-la-Madeleine maintient un taux légèrement positif chez les 45-64 ans.
Efforts de recrutement
Les organismes qui cherchent à attirer des gens dans les régions misent d’abord sur les opportunités d’emplois disponibles. Et ils prennent soin de mentionner que souvent, ce sont des emplois de qualité et variés.
L’organisme Place aux jeunes fait la promotion des régions dans les grands centres. « On essaie de faire valoir les belles opportunités que les régions offrent aux gens qui résident en ville. On travaille très très fort à bien diffuser l’information et bien faire connaître les opportunités d’emplois. Au-delà des offres d’emplois, il y a aussi des opportunités d’affaires”, souligne le directeur de Place aux jeunes, Mathieu Vigneault. L’opportunité d’offrir des stages fait aussi partie des outils de l’organisme.
“Une activité phare est la Semaine des régions à laquelle la Gaspésie participe. Je pense qu’elle avait eu un bon succès. Elle se tient deux jours à Montréal et deux jours à Québec”, dit-il.
Les médias sociaux sont aussi très utilisés pour tenter de sensibiliser les gens aux opportunités régionales.
Pour sa part, la Stratégie d’établissement a organisé pas moins de 42 activités de recrutement l’an dernier. Les régions de Montréal, de la Montérégie, du Bas-Saint-Laurent et du Québec constituent la clientèle cible.
“Parmi les quatre types d’actions que l’on mène, c’est développer une image positive de la région. Notre plus gros handicap, c’est que les gens ont une vision négative de l’emploi dans la région”, dit M. O’Connor.
Selon lui, c’est l’emploi et la nature qui sont les principaux arguments “efficaces” pour attirer des gens dans la région. « Ces deux éléments sont 80 pour cent […] L’emploi pour la personne et le conjoint, la qualité de vie dans son sens large, la proximité de la nature et de [pouvoir] faire du plein air. Ensuite, la famille pour ceux qui ont des proches dans la région”, mentionne M. O’Connor.
Pour ce qui est des facteurs repoussants ou limitant le recrutement et la rétention des néoGaspésiens, la perte d’emploi, l’éloignement de la famille et l’incapacité de se faire un conjoint pour les gens célibataires, surtout chez les femmes, viennent en tête de liste. “Il semblerait qu’il y ait plus de femmes célibataires que d’hommes. On s’est même penché sur cette problématique. Pour des jeunes professionnelles dans la trentaine qui veulent avoir un chum et des enfants, c’est un facteur de départ”, souligne M. O’Connor.
Renverser la tendance
Le Forum jeunesse Gaspésie-Îles-de-la-Madeleine vient de passer dans le tordeur des compressions budgétaires de Québec. Toutefois, le président sortant, James Keays, a quand même son idée sur les voies à utiliser pour renverser la tendance.
“Faire des bébés!”, lance spontanément M. Keays, en rigolant. “Ça va commencer par des places en garderie, des classes en maternelle”, poursuit M. Keys qui affirme aussi que l’éducation est à la base du frein à l’exode. “Il faut considérer la rétention de nos étudiants. On est la seule région administrative qui n’a pas de campus universitaire sur son territoire. On doit alors s’exiler à l’extérieur. C’est un très bon pourcentage qui s’exile pour se former. On a beaucoup d’emplois, mais ce ne sont pas des emplois qui vont répondre aux attentes des finissants”, ajoute M. Keays.
Précisant que le Cégep de la Gaspésie et des Îles a un programme exclusif : celui en technique d’aventure, M. Keys estime aussi que Québec pourrait investir dans la mobilité des étudiants plutôt que dans le béton.
« On a de très petites cohortes qui ont de la difficulté à partir alors qu’au Québec, le ministère de l’Éducation finance des agrandissements de cégeps. On pourrait plutôt utiliser l’argent de l’État de manière à remplir nos classes”, estime M. Keays.
La fin des compressions gouvernementales dans les régions serait aussi un autre élément à concevoir. “Avec les technologies d’aujourd’hui, il n’y a aucune raison pour ne pas créer des postes en région”, conclut M. Keays.