Des mots, des notes et des images – JOANNE MORENCY
Crever les eaux
Le dernier-né de Joanne Morency
MARIA | Sans être le plus autobiographique de son oeuvre, Crever les eaux de Joanne Morency est un livre introspectif. Le dernier-né de la poète gaspésienne est le témoignage d’une enfant presque invisible qui, plus tard, devient une femme au ventre vide, dont le désir non comblé de maternité lui donne la sensation d’être dans un corps au sort inachevé.
Joanne Morency a choisi un sujet qui est peu abordé en littérature : l’infertilité. « C’est un deuil qui ne paraît pas aux yeux des autres et qui dure des années. Il y a une solitude, l’absence du lien très fort entre parent et enfant. » Si ce thème était récurrent depuis quelques années, l’envie d’écrire sur le sujet s’est imposé de lui-même. « C’est comme se délivrer de certaines choses, s’ouvrir sur certains sujets », croit-elle.
Ce livre est très personnel. « Des gens me disent qu’ils ont vécu la même chose, précise la poète de Maria. Ça vient les chercher dans une partie intime qui leur est aussi très personnelle. Ça fait résonner quelque chose en eux. C’est assez fascinant! »
Par ce recueil de 72 pages regroupant quelque 45 poèmes, Joanne Morency a choisi, pour son huitième livre, de « crever les eaux » comme pour se décharger d’une sorte de fardeau qu’elle porte en tant que femme qui n’a pu donner la vie. « Crever les eaux, c’est accoucher vers une nouvelle respiration, sortir de soi des choses qui étaient difficiles », dit-elle.
Édité par Hamac, Crever les eaux est le huitième livre de Joanne Morency. Photo : Johanne Fournier
Peu de mots
Si l’ouvrage est économe en mots, il n’en est pas moins dense. « C’est une écriture très épurée, décrit son autrice. Ce sont de courts poèmes. Le travail d’écriture est, pour moi, de couper, d’enlever les répétitions, de rendre ça le plus succinct. Ça devient plus lisible, plus percutant. Je pars de beaucoup de pages pour en arriver à très peu. Dans tout ce que je fais, j’ai le sens du résumé. »
À constater cette quête d’économie de paroles, il n’est peut-être pas surprenant de découvrir l’enfant de peu de mots que Joanne Morency a été. « J’étais timide et tranquille dans mon enfance. Il y avait des personnes, dans ma famille, qui prenaient beaucoup de place et moi, je n’en prenais pas beaucoup. Sans le savoir, je n’étais peut-être pas entendue parce que je ne parlais pas beaucoup. Je me suis mise à parler plus quand je me suis mise à écrire. L’écriture a été une façon d’être entendue. La voie de l’écriture a ouvert la voix orale. » Cela ne veut pas dire pour autant qu’elle a eu une enfance ou une vie malheureuse, tient-elle à préciser.
La mère de sa mère
L’autrice parle du rôle de mère qu’elle a parfois eu à jouer auprès de celle qui l’a mise au monde. Elle aborde l’angle de la précarité d’une lignée féminine transmise de mère en fille qui a parfois été lourde, « quand on est amené à prendre soin de notre mère, enfant ».
Joanne Morency avait une mère fragile, parfois dépressive. « Elle s’appuyait beaucoup sur moi. J’étais la présence calme ou solide de la famille. Je le vois maintenant avec mes yeux d’adulte. J’ai réalisé que ma mère a aussi vécu ça avec sa mère. Il y a des deuils ou des peines qui se transmettent de mère en fille. » Or, comme Joanne Morency n’a pas eu d’enfant, ce phénomène transgénérationnel s’est arrêté à elle.
Crever les eaux est édité par Hamac. Il est possible de le trouver dans toutes les librairies, y compris celles de la Gaspésie. Le prochain livre de Joanne Morency sera publié chez David à l’automne 2024 sous forme de haïkus et de récits en prose. « J’ai réuni plusieurs textes qui parlent de la Gaspésie de saison en saison et que j’avais faits pour la Première Chaîne de Radio-Canada, décrit-elle. En même temps, c’est un carnet d’écrivain, où j’ai introduit des haïkus. »
Pour lire le dossier complet :
DES MOTS, DES NOTES ET DES IMAGES – Pour un féminisme à jour
DES MOTS, DES NOTES ET DES IMAGES – FRANÇOIS MIVILLE-DESCHÊNES
DES MOTS, DES NOTES ET DES IMAGES – YVAN LANDRY
DES MOTS, DES NOTES ET DES IMAGES – FRANÇOIS-ALEXANDRE BOURBEAU
DES MOTS, DES NOTES ET DES IMAGES – ANDRÉ LEMIEUX