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13 septembre 2023 13 h 21

Des mots, des notes et des images – François-Alexandre Bourbeau

NEW RICHMOND | Bien connu comme libraire chez Liber à New Richmond, François-Alexandre Bourbeau a davantage l’habitude d’être derrière les livres que sur une quatrième de couverture.

L’homme de 29 ans vient tout juste de faire paraître chez Stanké son premier roman, Confluences, où se chevauchent une ribambelle de personnages, parfois de manière subtile et fugace, d’autres fois plus sommairement, dans une fresque littéraire composée d’une dizaine de différents récits; un « cabinet de curiosités », comme le mentionne sa maison d’édition. GRAFFICI a lu pour vous cette petite pépite et l’auteur se prête pour l’occasion au jeu des questions et des réponses. Entretien.


François-Alexandre Bourbeau lors du lancement de son livre le 5 août dernier. Photo : Gilles Gagné

Ça faisait longtemps que vous planchiez sur ce roman?
Ç’a été un processus de longue haleine dont l’écriture s’est échelonnée sur six ou sept ans. Dans le roman, il y a une partie qui s’intitule Le murmure des horloges, qui était un projet d’écriture que j’avais entrepris à la sortie du cégep. C’était inspiré fortement de l’univers de Lewis Caroll et Alice au pays des merveilles avec la fantaisie très british, mais ça n’a jamais mené à quoi que ce soit. Je m’en suis lassé un peu et je l’ai laissé de côté. En écrivant Confluences, je me suis rendu compte que des liens se tissaient et que ça pouvait mener à une réutilisation de cette histoire-là. On pourrait donc dire que ça remonte à une dizaine d’années, mais de manière plus soutenue la durée est plutôt de six ou sept ans.

Pourquoi avoir utilisé cette forme en particulier de récits multiples qui se recoupent, plutôt qu’une histoire plus « linéaire »?
J’aime la forme brève parce que je trouve qu’il y a quelque chose d’accessible. On n’est pas obligés d’y consacrer trop de concentration et trop de temps. Parfois, se lancer dans une brique de 400 pages, ça peut paraître un peu dantesque. La forme concise me charmait et j’aime croire que c’est quand même une lecture plus légère par sa forme de fiction, mais quand même complexe parce que les histoires sont rattachées les unes aux autres. Le fil est parfois évident, d’autres fois moins. On a quand même un travail en tant que lecteur pour faire le lien entre les histoires ou essayer de trouver à quelle époque ça se situe. Parfois c’est nommé, parfois non, mais on peut le situer grâce à un référent textuel ou temporel. J’aime bien ne pas être tenu par la main comme lecteur, alors je me suis mis à cette place et ça donne cela, avec différentes avenues et une linéarité explosée où on traverse plusieurs époques, avec différentes trames, émotions, lieux et une plus grande palette de couleurs.

Est-ce que toutes les histoires se recoupent systématiquement?
Il y a un fil conducteur. Toutes les histoires ne sont pas toutes rattachées à toutes les histoires. Certaines ont plusieurs liens, mais la plupart du temps, c’est un élément principal qui va rattacher une histoire à l’autre. Des fois, c’est plus en profondeur, parfois c’est spontané avec une ouverture vers la découverte.

Dans Albert ne sait plus où donner de la tête, on retrouve un trou de ver qui amène un élément fantaisiste pour ne pas dire de science-fiction. Pouvez-vous développer l’astuce?
Je me suis bien amusé avec ça. La fantaisie revient quand même assez souvent dans le roman, qui est empreint d’un réalisme magique. Il y a des choses qui ne se peuvent pas, mais qu’on accepte comme étant réelles, le trou de ver notamment. Ces éléments saugrenus amènent une touche de pseudo-science. Puisque que ça ne se peut pas, on essaie de trouver un élément probable pour justifier leur existence. Ça permet aussi d’explorer plusieurs registres : on a le tragique, le comique, le poétique, mais des fois on a l’impression de lire quelque chose qui tient davantage du traité, d’un livre qui se veut sérieux.

Sur les 10 histoires présentées, en avez-vous une préférée?
Je les aime toutes forcément, mais oui il y en a que j’aime plus que d’autres. Je parlais tout à l’heure du Murmure des horloges et je crois que c’est ma préférée en ce moment pour l’univers dépeint, la richesse des ambiances et la couleur des personnages. C’est aussi une des histoires avec le plus de liens. Il y a quelque chose qui fait voyager dans ce monde d’orfèvrerie, de mécanique, de cadrans, d’horloges et de ressorts. J’aime aussi Le fil de l’histoire et Vigile pour des raisons différentes. Certaines histoires sont plus touffues, intimistes, humaines ou oniriques, alors que d’autres sont plus sépia comme un album photo. C’est la richesse d’un roman fragmenté en plusieurs récits.

J’ai bien apprécié Le collègue allemand, où vous reprenez la vraie histoire gaspésienne de l’espion Werner von Janowski – sans jamais le nommer – en vous amusant à imaginer ce qu’a été la vie de son hypothétique frère d’arme espion qui s’est retrouvé seul et penaud puisque son acolyte s’est fait démasquer.
Je trouvais ça intéressant d’en parler. Ce n’est pas nouveau et on connaît l’histoire, mais il y a des échos comme quoi ils étaient plusieurs mais que seulement l’un d’entre eux s’est fait prendre. Pourquoi pas tenter de donner une vie à cette autre personne qui aurait très bien pu débarquer en même temps et ne s’est jamais fait prendre, qui s’attache à sa nouvelle patrie et décide de couper les ponts totalement? La Gaspésie est un milieu fantastique avec la forêt, la mer, la montagne. Il y avait quelque chose comme environnement qui était propice à la cachette et la surprise. Je trouvais ça intéressant de pitcher ce bonhomme-là dans l’arrière-pays et de tenter de lui faire prendre goût à sa nouvelle vie imposée malgré lui.

Dans Le prêt, il est question d’une cliente qui demande à retrouver un obscur ouvrage quasi-inconnu, avec toutes les démarches que ce genre de projet peut engendrer. C’est un clin d’oeil à votre propre quotidien de libraire?
C’est toujours intéressant de grossir les choses. Je trouvais ça chouette de pouvoir offrir une incursion dans notre monde, sans trop marquer le trait et tomber dans les clichés habituels de travail très romantique, avec des tablettes poussiéreuses et des employés qui lisent des livres en flattant un chat dans une librairie fantôme et sans ordre. C’est totalement le contraire en fait. On n’arrête pas une minute et il y a toujours quelque chose à faire. C’est un clin d’oeil au milieu des libraires, mais à son paroxysme. Dans ce cas, c’est inspiré de mon vécu, mais pas d’une situation précise en particulier.

Est-ce qu’en créant comme ça une dizaine d’univers différents, mais concis, vous auriez parfois aimé aller plus loin pour développer davantage vos personnages et vos thématiques?
On pourrait réécrire un livre indéfiniment sans jamais être satisfait. Il y a une étape de lâcher-prise où on doit se dire que c’est terminé. C’est bon de laisser décanter le tout. À trois ou quatre reprises, je me suis dit que c’était dans la boîte, mais finalement j’y suis retourné. Mais le livre dans sa forme actuelle, j’en suis satisfait. Donc, non, je ne souhaiterais pas revenir modifier quoi que ce soit. Avec ce type de procédé, le livre peut aussi continuer à exister au-delà de l’objet imprimé. La fin ouverte nous laisse nous imaginer quelque chose, pour chaque lecteur. C’est la beauté de la chose.

En terminant, avez-vous d’autres projets littéraires?
Durant l’écriture de Confluences j’écrivais autre chose en parallèle. Reste à voir où ça va mener, mais assurément il y a toujours une soif de mots. Pour l’instant je laisse à ce premier livre faire son bout de chemin.

Pour lire le dossier complet :
DES MOTS, DES NOTES ET DES IMAGES – Pour un féminisme à jour
DES MOTS, DES NOTES ET DES IMAGES – FRANÇOIS MIVILLE-DESCHÊNES
DES MOTS, DES NOTES ET DES IMAGES – YVAN LANDRY
DES MOTS, DES NOTES ET DES IMAGES – ANDRÉ LEMIEUX
DES MOTS, DES NOTES ET DES IMAGES – JOANNE MORENCY