Développement régional partie 3/3 : L’avenir de la Gaspésie
Il y a eu 10 ans en 2024, le gouvernement québécois mené par Philippe Couillard adoptait la loi 28 menant à l’abolition des organismes de concertation et de développement régional, les Conférences régionales des élus (CRÉ) en tête de liste. La plupart des Centres locaux de développement ont été emportés dans le mouvement, essentiellement parce que le financement du gouvernement libéral était coupé, ce qui laissait les municipalités avec le choix de les laisser aller ou de les financer. GRAFFICI a questionné quelques meneurs socioéconomiques et penseurs de la région afin de savoir quel bilan tracer, 10 ans plus tard, de la perte de ces organismes de développement.
Y aura-t-il des nouveautés assurant l’avenir de la Gaspésie ?
NEW RICHMOND | Gaétan Lelièvre se demande qui et quel organisme s’occuperont maintenant de régler les problèmes gaspésiens de logement, de services de garde, de desserte aérienne et d’érosion côtière, entre autres.
Entre 1996 et 2010, la région a trouvé, grâce à ses organismes de concertation et de développement qu’étaient le Conseil régional de concertation et de développement (CRCD) et la Conférance régionale des élus (CRÉ), des solutions à des enjeux de transport ferroviaire, de communications électroniques, de transport intrarégional et de redevances éoliennes.
« On pourrait ajouter le développement de la filière de fabrication de composantes éoliennes, qui a pris forme avec le plan de relance de l’expremier ministre Bernard Landry en 2002. La région a profité et profite encore de cette revendication du CRCD », signale M. Lelièvre.
Même si la création en 1996 et l’évolution de la Corporation du chemin de fer de la Gaspésie, plus tard rebaptisée Société du chemin de fer de la Gaspésie (SCFG) en 2007, ont été loin d’un long fleuve tranquille, Gaétan Lelièvre voit dans cette entité sous contrôle municipal un exemple à suivre.
« Le seul organe dont l’impact peut se rapprocher de celui de la CRÉ, c’est la Société du chemin de fer de la Gaspésie. Et on est en train de sauver le chemin de fer. L’an passé, on a vu le ministère des Transports y investir 500 millions de dollars (M$) de plus pour assurer la réfection du tronçon Port-Daniel-Gaspé », souligne-t-il.
Un organisme né des idées de la défunte équipe du CRCD a ainsi réussi, à force de persuasion et de compétence à convaincre Transports Québec d’investir 872 M$ dans la réfection de l’ensemble du réseau Matapédia-Gaspé depuis 2017 et jusqu’en 2026, date attendue du parachèvement de cet immense chantier.
Gaétan Lelièvre vante à ce chapitre la contribution du directeur général de la SCFG, Luc Lévesque, et celle de son équipe.
« Si on avait maintenu un organisme de concertation et de développement, qui sait si on ne pourrait pas compter sur un Luc Lévesque de la santé, ou du transport aérien ? On a renversé la vapeur du dossier. Ça donnerait aussi des résultats dans d’autres domaines! », assure M. Lelièvre.
« Que serait-il arrivé dans le transport aérien en 2010 si des organismes de développement avaient été là et qu’une coopérative aérienne s’était manifestée ? Je ne peux plus parler à personne en transport aérien. Plus personne n’est là pour entendre ce message », enchaîne-t-il, à propos de ce qu’il désigne depuis des années comme « le fiasco des services aériens ».
Il déplore le peu de critique émanant de la région, en l’absence d’un organisme régional bien documenté dans plusieurs disciplines.
« La création de Santé Québec est une centralisation directe de ce secteur, et un constat d’échec. Les problèmes de Sept-Îles et de l’Abitibi ? La Gaspésie va passer par là. Qui monte un dossier pour documenter cette réalité ? La CRÉ se serait occupée de ça, si ça avait été jugé une priorité, avec les pèlerinages de Bertrand Berger [ex-président de la CRÉ, aujourd’hui décédé] avec une équipe, une expertise, avec des documents étoffés », évoque M. Lelièvre.
Il prend particulièrement mal la disparition du programme Fonds d’aide aux initiatives régionales (FAIR), spécifique à la Gaspésie et aux Îles, et son remplacement par DÉPART, un programme aux normes similaires, quelle que soit la région.
« On a perdu un programme exclusif à la région, reconnaissant nos spécificités, pour un programme qui n’est plus modulé à nos caractéristiques », dit-il sur ce point.
« Autre élément : pourquoi c’est panquébécois ? Au lieu d’être géré régionalement, c’est dorénavant géré par le ministre de l’Économie, Pierre Fitzgibbon, qui a accompagné cette centralisation par l’abolition de la direction
régionale de son ministère par une direction Bas-Saint-Laurent-Gaspésie-Î les-de-la-Madeleine-Chaudière-Appalaches, localisée à Rimouski. C’est l’insulte ultime à la régionalisation, la non-reconnaissance du caractère spécifique de la région. On gère du pont Pierre-Laporte à Gaspé. C’est absurde, c’est incohérent et c’est de l’ignorance de la réalité des régions », conclut Gaétan Lelièvre.
La Gaspésie trouvera-t-elle des solutions à ses problèmes importants sans organisme de concertation et de développement, comme elle l’a fait pour le chemin de fer? Photo : Gilles Gagné
Pour lire tout le dossier :
Développement régional partie 1/3 : La disparition des CRÉ
Développement régional partie 2/3 : 10 ans plus tard