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8 octobre 2019 17 h 41

GUILLAUME ARSENAULT : LA NATURE DES MOTS

New Richmond | Guillaume Arsenault a toujours été proche de la nature, où il puise tous ses mots. Il a grandi du côté Sud, au bord de la Baie-des -Chaleurs. Il y a six ans, il a traversé les Chic-Chocs pour s’établir du côté Nord, en Haute-Gaspésie. « C’est vraiment autre chose. Quand tu es dans la Baie, la mer, c’est une amie. Mais quand tu te retrouves du côté Nord, à marée montante, sur un cran de roche, ce n’est pas le même feeling. Les vagues sont plus grosses, les éléments plus forts, les vents plus intenses (…) Des fois je m’ennuie du côté Sud, surtout l’été, quand tu veux te baigner… Mais l’hiver, je ne pourrais plus me passer des montagnes dans ma cour ».

Ça faisait tout juste six ans que j’étais exilée dans la région de Montréal. Un ami m’appelle un soir et me dit : « Y’a un gars de « Bona » qui lance un album au Lion d’or. Tu devrais venir ! ». C’est ainsi qu’en 2006, rue Ontario, ce poète au goût salin et à l’odeur d’épinette m’a donné une bonne gorgée de Gaspésie. Moi qui étais assoiffée d’horizons, de vrai et du sentiment de liberté qu’offre la nature gaspésienne, vous imaginez quel bien ça m’a fait ? Treize ans plus tard, me voilà terriblement fébrile à l’idée de vous résumer ma rencontre avec Guillaume Arsenault qui a traversé de l’autre côté des montagnes pour venir jusqu’à New Richmond, par une pluvieuse journée du mois d’août.

Le soir du lancement au Lion d’Or, en 2006, je m’étais fait la réflexion que ce gars-là allait avoir une carrière exceptionnelle. D’entrée de jeu, je lui demande donc ce qu’il pense de sa carrière, lui qui vit de son art, bien ancré dans sa Gaspésie natale depuis 20 ans.

« Je me souviens qu’un autre artiste m’a dit que je ne faisais pas de compromis dans ce que je faisais. Mais si je regarde derrière, il n’y a pas eu tant de décisions que ça. (…) Je ne suis pas un pilote. Dans le sens que tout est là. » Guillaume affirme ne s’être jamais posé la question sur ce qu’il allait faire dans la vie ou comment il allait le faire. Il dit ne s’être jamais non plus demandé si ça allait être possible ou pas. « Je fais de la musique et c’est ça que je suis.»

L’artiste a inventé ses premières chansons à trois ans puis, à l’adolescence, il en faisait d’instinct et ce sont ses amis qui les retenaient, parce que lui les oubliait, raconte-t-il. Le jour où il a décidé de faire un album, il ne s’est jamais demandé si ça pouvait être rentable.

« J’ai pris les moyens que j’ai pu de la façon que j’ai pu. Comme pour Le rang des Îles, je suis allé chercher des commanditaires de producteurs locaux pour réussir à boucler le budget. »

Il se réjouit de pouvoir vivre de son art ici, dans la nature gaspésienne.

« Faut dire que je n’ai pas besoin de grand chose pour être heureux. J’ai un rythme de vie qui ne demande pas beaucoup d’argent. C’est sûr que je ne suis pas un gars qui veut le gros pickup et ce genre de choses-là. Ma richesse est ailleurs. Je fais ce que j’aime. En plus, le monde ne me reconnaît pas dans la rue… Tu sais, je ne suis pas la vedette »

C’est que le gars de Bonaventure, qui habite maintenant à Cap-au-Renard, avoue qu’il aurait eu du mal à endosser la célébrité.

« C’est le fun d’être artiste sans trop être connu. Moi, je suis un ermite aussi. Ça fait aussi partie de ce qui motive mon choix de vivre en Gaspésie. Je suis tranquille et j’ai le rythme de vie que j’ai choisi. » Cela inclut favoriser de passer du temps avec ses deux filles plutôt que de partir sur la route en tournée.

Le poète affirme n’avoir jamais envisagé de vivre à Montréal. Depuis 17 ans, il fait partie d’une coopérative d’artistes : Les Faux-Monnayeurs sise dans la métropole et qui s’occupe essentiellement de la commercialisation de ses albums et de la vente de spectacles.

Si la ville n’était pas une option pour Guillaume, ce dernier assure qu’il aurait pu vivre ailleurs qu’en Gaspésie… s’il l’avait voulu.

« Je suis assez facile d’adaptation. Mais la Gaspésie a tout ce dont j’ai besoin. Oui, j’aurais pu vivre ailleurs, avec cet horizon-là, la mer, la nature. Mais il y a quelque chose de réconfortant d’avoir grandi ici. Mes parents sont là. C’est une belle mine d’or aussi. Donc, autant j’y retrouve le réconfort que l’exploration dont j’ai besoin. Il y a bien des endroits où je vais, même derrière où j’habite, j’ai l’impression de voyager parce que je n’y suis jamais allé. En Gaspésie, c’est grand puis il y a beaucoup de territoires différents, des sentiers à découvrir. J’y retrouve le réconfort et l’exploration en même temps. »

« Ça se reflète un peu aussi dans ma façon de faire de la musique. C’est ce que j’aime : l’exploration. Ma satisfaction est de découvrir des choses et de créer. J’ai fait six albums et c’est toujours le processus qui est important, plus que le résultat. »

« Pendant longtemps, pour moi, écrire, ça été de dépeindre l’intérieur émotif des humains. En chanson, c’était ça mon but, essayer de décrire ce que je vis, ce que je ressens. Puis après, une fois que tu as fait ça, tu peux passer à autre chose, parce que tu as compris l’état. Et le fait de faire des chansons, des albums, des spectacles, j’espère que les gens se retrouvent et (qu’ils) puissent faire le même processus. »

Ces dernières années, Guillaume a offert des ateliers, notamment dans des prisons et dans des centres jeunesse. Ce sont « les moments de ma carrière où je me suis senti le plus utile. La personne après fait : Ah, oui, c’est ce que je suis en train de vivre. Souvent, ces gens-là, réagissent plus physiquement qu’avec les mots. Le fait d’avoir les mots, ça les fait avancer ».

Un sixième album

Il présente ces jours-ci son sixième album, La partie de moi qui tremble . Contrairement à son album précédent, De l’autre côté des montagnes, qu’il qualifie de plus communicatif et relationnel, il voit son petit dernier comme plus personnel et intérieur.

« Je suis encore dans ce que j’appelle un panoramique intérieur, de grands paysages, mais là, c’est plus des petits compartiments (…) La partie de moi qui tremble, c’est ce qui est vivant, c’est cette poésie en moi. La partie sensible, ce qui inspire (…) La beauté inutile, mais qui fait que ça devient intéressant de vivre. C’est ça la partie de moi qui tremble. (…) C’est fou tout ce qu’on apprend sur nous à travers les années et il y a des choses qu’on essaie de combattre, qu’on n’aime pas. Mais les cicatrices sont belles. La partie de moi qui tremble c’est aussi ça. C’est laisser ça aller, même si c’est fébrile, même si c’est fragile. »

Guillaume a plusieurs projets pour le futur, entre autres, la littérature et aussi du cyclotourisme à travers le monde. Mais pas question d’aller vivre ailleurs. « En plus de l’inspiration que la Gaspésie m’apporte pour me nourrir poétiquement, je m’y sens vraiment soutenu et ça me donne l’énergie pour faire ce métier-là. »

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