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10 mars 2015 18 h 55

« Il faut que le peuple se soulève », dit Daniel Côté

Karyne Boudreau

Rédactrice en chef

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GASPÉ – Dans son virage « affaires publiques », GRAFFICI offrira dorénavant  le résultat d’une entrevue approfondie avec un Gaspésien ou une Gaspésienne qui fait ou qui subit l’actualité du moment. Pour son premier texte du genre, GRAFFICI s’est entretenu cette semaine avec le maire de Gaspé et actuel président de la Conférence régionale des élus (CRÉGÎM), organisme appelé à disparaître dans les prochains mois.

Daniel Côté est sur toutes les tribunes actuellement. Depuis l’annonce du nouveau pacte fiscal ces dernières semaines, qui appauvrit les municipalités et fait perdre des millions de dollars et des dizaines d’emplois à la région, le maire de Gaspé multiplie ses interventions publiques et se dépense sans compter les heures pour inviter les Gaspésiens à se serrer les coudes en ces temps d’austérité.

« Faut se serrer les coudes, se mobiliser, se solidariser et parler d’une seule voix avec toutes les régions du Québec, pour que le gouvernement nous entende et tienne compte de nos réalités », affirme le jeune politicien.

« Je crois fondamentalement en la démocratie. Je crois au pouvoir du peuple. Si le peuple manifeste son désaccord, comme élu je vais les appuyer. Le gouvernement n’aura pas le choix d’écouter. Ce n’est pas un coup d’épée dans l’eau que d’écrire au gouvernement, ce n’est pas un coup d’épée dans l’eau que de sortir dans la rue. Comme élus, en Gaspésie et ailleurs, va falloir arrêter d’avoir peur et dire haut et fort ce dont nos citoyens ont besoin. Si tous les élus du monde rural du Québec vont manifester, personne n’aura à en payer le prix politique. Je lance un appel à la solidarité, pas juste de la population mais aussi des élus », lance Daniel Côté qui voudrait bien que ses collègues maires soient plus tapageurs par les temps qui courent.

Petite histoire du Gaspésien

À 35 ans, Daniel Côté est le plus jeune maire de la Gaspésie et des Îles-de-la-Madeleine. Né à Gaspé, il a grandi à Grande-Vallée et s’est exilé de la Gaspésie juste le temps qu’il faut pour faire son droit à l’université.

« C’est le fond de mon cœur et de mon corps qui est là (en Gaspésie). Vous savez, on dit souvent qu’on peut sortir un Gaspésien de la Gaspésie, mais jamais la Gaspésie d’un Gaspésien. Ben c’est ça pour moi ! Je n’ai pas eu le choix d’aller ailleurs pour mes études universitaires, mais j’ai même pas attendu d’avoir une opportunité d’emploi pour revenir. C’est la plus belle place au monde ! Et je veux faire tout ce qu’il faut pour l’aider à se développer. Avant, c’était de l’implication sociale et maintenant, c’est de la politique », explique M. Côté.

Depuis son retour en 2003, Daniel Côté a notamment fondé une famille. Il est père de deux jumeaux de 8 ans. Il a travaillé comme avocat à Gaspé (il est d’ailleurs toujours membre du barreau) et avec le député bloquiste Raynald Blais. En 2009, il est devenu adjoint au maire et au directeur général de la ville de Gaspé, jusqu’à son élection à la mairie de la Ville en 2013. Entre temps, il  a tenté sa chance en politique fédérale, chez les bloquistes, mais a été battu par Philip Toone et la fameuse vague orange.

Jeune bénévole de l’année honoré pour ses nombreuses implications citoyennes par l’Assemblée nationale en 2013, Daniel Côté a l’engagement  social et politique dans le sang.

« J’ai toujours eu un intérêt envers la vie publique et politique. Ce qui m’a attiré le plus, c’est d’essayer de faire changer les choses et d’aider ma région à avancer. Ce n’est pas donné à tout le monde, mais j’ai le désir de servir mes citoyens et de propulser ma ville et ma région vers l’avenir », affirme Daniel Côté lorsque GRAFFICI  lui demande ce qui l’a convaincu à se lancer en politique.

Ce qu’il pense du climat actuel qui sévit en Gaspésie

« Le premier mot qui me vient en tête est négatif malheureusement : « Moreausité », vraiment écrit avec un « eau » en l’honneur du ministre du nom (celui des Affaires municipales). Par contre, cette « moreausité » est en train d’engendrer un véritable climat de solidarité régionale. C’est ce à quoi j’aspire. Et je vais mettre un « s » à régional, parce que c’est toutes les régions du Québec qui sont touchées actuellement », s’indigne M. Côté qui se dit cependant convaincu que c’est, parmi toutes les régions, la Gaspésie qui sera le plus durement touchée.

« Parce que, contrairement aux autres régions du Québec, on n’a pas beaucoup d’apport de l’industrie privée, notre économie est beaucoup basée sur l’économie publique. En plus, on n’a pas une grosse population et la capacité fiscale des citoyens est au bout par rapport à la valeur de leurs propriétés. On est beaucoup plus vulnérables. On commençait juste à sortir la tête de l’eau avec nos outils de développement régional et on se retrouve dans cette situation. On nous enlève notre coffre à outils », déplore le président qui devra, dans les prochaines semaines et prochains mois, liquider la CRÉGÎM qu’il ne croit pas pouvoir sauver.

« Je pense que le train est en marche et qu’il arrive trop vite. Je ne veux pas être pessimiste, mais je crois que ça va être difficile de sauver ce qu’on a actuellement. Cependant, je crois fondamentalement qu’il est tout de même possible de se concerter. Ça va dépendre de nous », soutient M. Côté.

« Le rapport Robillard risque encore de nous enlever le dernier tournevis, et même le coffre à outils au complet. C’est un rapport centralisateur qui doit être déchiré. C’est fait pour Montréal et on enlève tout aux régions. Est-ce qu’on coupe dans les incitatifs pour les grosses industries à Montréal ? Non. Mais malheureusement, notre message n’est pas porté. On n’est pas entendu en ville. C’est malheureux », déplore Daniel Côté.

« Le mal qu’on est en train de faire au développement régional, on va en sentir des effets immédiats, mais c’est dans 20 ou 30 ans qu’on va voir les vrais impacts, poursuit le politicien. Bien fin celui qui pourrait prévoir aujourd’hui l’ampleur des dommages. Au niveau de la CRÉ c’est tous les emplois qui sont perdus à court terme (d’ici janvier ou mars, on ne le sait pas), au niveau des CLD, ça dépendra de chacune des MRC. Chez nous, on coupe de 2 ou 3 postes sur 7 à court terme. On ne se sent pas prêt à tout « scraper » tout de suite parce que le travail qu’ils font (les experts en développement régional) est colossal et vital pour la région. Le travail d’accompagnement ne se chiffre pas, mais c’est énorme comme résultats », affirme Daniel Côté.

Selon lui, le gros du problème ne réside pas uniquement dans les instances que l’on perd, mais surtout dans les budgets qui sont réduits par Québec. « Juste en développement régional, demain matin, c’est 3,6 M$ que l’on perd et au fil de la prochaine année et demie, ça va vite atteindre les 15 M$ considérant la fin de nombreuses ententes spécifiques. Et là, je ne tiens pas compte des coupures dans les budgets municipaux », calcule le maire de Gaspé qui, juste pour sa localité, accuse une perte de 600 000 $ sur un budget de 20 M$. Avec la facture de la SQ qui augmente de 200 000$, c’est un manque à gagner de 800 000 $ qu’accuse la ville de Gaspé. « L’an dernier, c’était 700 000$ qu’on nous a coupé. Ça fait 1,5 M$ en deux ans. L’an dernier, on a coupé dans des services et on a légèrement augmenté les taxes. Et c’est clair qu’on se dirige vers de nouvelles coupures et vers une autre augmentation de taxes encore », annonce le maire qui, comme les autres élus du Québec, tente d’absorber la compression de 300 M$ imposée aux municipalités du Québec prévue par le nouveau pacte fiscal.

Mobilisation et solidarité, gage d’avenir

« Ça va prendre de la solidarité et un petit coup de pouce du gouvernement, c’est certain. Mais la pire affaire à faire, c’est baisser les bras. Faut optimiser nos outils. Comment on va le faire, ça reste à déterminer, mais c’est certain que c’est en se serrant le coudes, en se mobilisant, qu’on va y arriver », lance le maire qui s’est dit heureux, même ému, de voir 300 personnes réunies à Gaspé dimanche dernier lors du PotLuck solidarité.

« Ce fut un beau succès ! C’était merveilleux, magique, de sentir cette belle solidarité et de voir que les gens se serrent les coudes. J’ai pris le micro, je me suis vidé le cœur au point où les larmes ont sorti », confie le maire qui se sent un peu seul parmi les élus gaspésiens à prendre la parole actuellement.

« Présentement, tous les élus sont pris à la gorge, à essayer de boucler le prochain budget de la prochaine année avec des moyens restreints. Comme c’est parti là, à chaque jour on perd une petite bouchée. J’ai la chance d’avoir une grosse équipe derrière moi, ce qui me permet de plus prendre la parole actuellement.  Mais le peuple me dit que ça n’a pas d’allure. Il faut que le peuple parle, se soulève et exige de ses élus municipaux qu’ils agissent et les représentent de façon solidaire et concertée auprès du gouvernement », conclut Daniel Côté.