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20 ans
25 septembre 2020 11 h 47

Les 20 ans du GRAFFICI, c’est ici! Partie 1: Hommage à l’équipe de première heure

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Nous remercions du fond du cœur les fondateurs du journal ainsi que les nombreux employés, bénévoles et collaborateurs qui ont permis au journal de célébrer ses 20 ans cette année.

L’accomplissement d’un rêve

Normand Canuel était candidat à la maîtrise en histoire, à l’Université Laval, et rêvait déjà de lancer un journal. Étant un amoureux de culture et un lecteur assidu du Mouton Noir et du Voir, il l’imaginait non seulement culturel, mais aussi indépendant. C’est de cette étincelle et d’une conviction inébranlable qu’est né GRAFFICI.

S’il avait à l’époque rencontré le directeur du Voir Québec, qui avait émis un sérieux doute quant à la viabilité d’un média indépendant en Gaspésie, l’homme originaire de la Montérégie ne s’est pas laissé abattre, bien au contraire. Alors qu’il réside en région, plusieurs années plus tard, il partage son idée avec une nouvelle connaissance, comme lui mordue d’histoire : il s’agit de Pascal Alain. La rencontre des deux hommes, supportés par Mélanie Cotnoir, donnera des ailes à l’initiative.

Étant à la base un média culturel, GRAFFICI vise d’abord et avant tout, lors de sa création, à offrir une vitrine aux artistes gaspésiens de tout acabit et à se distinguer de ce que font les médias traditionnels appartenant à de gros groupes de presse. Il naît dans une période où la morosité économique prend toute la place. Si Normand Canuel prend plaisir à mener des entrevues et à rédiger des textes, il aura surtout le mandat de vendre les espaces publicitaires aux potentiels clients, un rôle qu’il a en quelque sorte improvisé. «Moi, je ne suis pas un vendeur né… donc, il a fallu que je le devienne!», lance-t-il en riant en entrevue.

Convaincu de la valeur de son projet, il se rend à plusieurs occasions à Gaspé, lors des premiers pas du journal. Il multiplie alors les rencontres de représentation auprès des élus et des acteurs économiques de l’époque afin de dénicher de quoi assurer la survie de la publication. M. Canuel profite alors de l’étroite collaboration, dans sa quête, de l’ex-journaliste Thierry Haroun. Si le tandem réussit contre vents et marées à dénicher des montants intéressants et à convaincre ceux qui détiennent les cordons de la bourse de les délier en faveur de GRAFFICI, leur entreprise ne fut pas de tout repos. «On ne nous prenait pas du tout au sérieux. Ils ont été sceptiques assez longtemps», admet sans réserve le cofondateur. Le fait que GRAFFICI ait reçu un prix de l’Association des médias écrits communautaires du Québec (AMECQ), en 2002, aura à son avis contribué à faire renverser la vapeur.

Normand Canuel quittera la coopérative après trois ans, mais continue aujourd’hui de suivre le GRAFFICI à distance; d’ailleurs, il se plaît toujours autant à lire les écrits de son frère d’armes, Pascal Alain. Établi à Granby, son patelin d’origine, il est d’ailleurs extrêmement heureux de voir le journal qu’il a cofondé franchir la barre des 20 ans.

«Je n’aurais jamais cru ça! C’est au-delà de mes espérances. C’est fabuleux! Il y a des gens qui se sont intégrés à l’équipe et qui ont adopté le journal au fil des ans et ce sont des gens de conviction. S’ils n’avaient pas été convaincus, le journal serait tombé», estime-t-il. En toute modestie, le sexagénaire admet avoir eu une très grande force qui fut des plus utiles au lancement et à la pérennité du journal: celle de s’entourer de gens talentueux.

Celui qui à l’époque, a œuvré au Conseil de la culture de la Gaspésie et a chapeauté la Braderie de Bonaventure se dit aujourd’hui fier d’avoir réalisé un rêve qui continue de vivre, d’évoluer; un média qui fait toujours rayonner la Gaspésie, et ce, même après son départ de la région.

Merci, Normand, d’avoir eu l’audace d’aller au bout de ton projet!


Photos : archives personnelles de Normand Canuel

 

Un lien qui transcende les décennies

«C’est plus fort que moi»: voilà comment Pascal Alain résume l’attachement qu’il porte au journal. Membre fondateur de ce qui était à l’époque un mensuel, maniaque de culture et de presse indépendante, l’historien bien connu en région prête encore à ce jour fréquemment sa plume à GRAFFICI… Et espérons qu’il n’est pas près de tirer
sa révérence!

Si l’homme originaire de Carleton-sur-Mer avoue avoir grandi avec un crayon dans les mains, c’est à GRAFFICI qu’il fait ses premières armes en presse écrite. Approché par Normand Canuel et ayant déjà en poche un baccalauréat en histoire, le Gaspésien, qui étudiera également à la maîtrise en développement régional, n’hésite pas à s’engager dans le projet de ce dernier. Il vient alors tout juste de revenir en région après ses études et partage son calendrier professionnel entre la Corporation du Mont-Saint-Joseph de Carleton-sur-Mer et le Musée acadien du Québec à Bonaventure.

Si les cofondateurs s’investissent à différents niveaux et n’ont d’autre choix que «d’apprendre sur le tas», c’est à la rédaction que le jeune homme de 25 ans de l’époque fera le plus sa marque. «Dans les premiers temps, je rédigeais la moitié du journal, ou à peu près. Parfois, c’était 60%! Je me souviens d’avoir dit à la gang que les gens allaient devenir tannés de me lire, que ça prenait d’autres plumes», se remémore-t-il.

On compte sur les doigts d’une ou de deux mains, parmi les 225 publiées à ce jour, les éditions auxquelles le chroniqueur n’a pas collaboré. Son inconditionnelle passion pour les mots ne se limite évidemment pas à GRAFFICI, puisque Pascal Alain, devenu également auteur, a notamment signé trois ouvrages entre 2017 et 2019, tous publiés aux Éditions GID.

Des anecdotes et des souvenirs en lien avec GRAFFICI, Pascal Alain en possède à la tonne; il les énumère en entrevue. Si son sourire s’entend sur la ligne téléphonique lorsqu’il les évoque, le cofondateur avoue néanmoins au passage que les balbutiements du média ont été fort exigeants. «Sur les photos, on a l’air cool et relax. On l’était, oui, mais on était surtout, souvent, morts de fatigue! En même temps, je ne me suis rarement senti aussi vivant qu’au GRAFFICI… À bien y penser, c’est peut-être ça, être un mort vivant! », blague l’homme de 46 ans.

À cette époque, il se souvient d’avoir, aux côtés de ses collègues et de valeureux bénévoles, abattu des semaines de travail de 60 à 70 heures. Il a même personnellement défrayé les coûts d’impression d’éditions déficitaires. S’il a contribué à bâtir le GRAFFICI tel qu’on le connaît, M. Alain fait valoir que ce dernier l’a aussi, en retour, « construit ». C’est un peu, révèle-t-il, grâce au journal qu’il a mieux connu la péninsule et qu’il a rapidement souhaité ne plus jamais la quitter.

« J’étais un gars de lettres, je n’étais pas bûcheron, ni pêcheur, ni mineur. Je pensais que ma place n’était pas ici. Quand on a lancé le journal, j’ai réalisé que ça me ressemblait, cette entreprise-là. GRAFFICI m’a sans aucun doute enraciné dans le pays gaspésien. Il m’a fait prendre conscience que ma place était ici, que la Gaspésie avait besoin de moi et que je devais m’impliquer, m’investir. »

M. Alain a quitté la barre du GRAFFICI après trois ans. Il a toutefois ensuite siégé comme administrateur de l’organisme jusqu’en 2010; il était d’ailleurs, au moment d’écrire ces lignes, de retour au sein du conseil d’administration depuis peu. Quoiqu’il advienne, l’historien n’a jamais cessé d’œuvrer pour la pérennité du journal et d’espérer, pour lui, un avenir florissant. «Chaque fois que GRAFFICI a piqué du nez ou a connu des crises, ma plus grande peur, c’était de le voir disparaître. J’angoissais à cette idée-là, même lorsque je n’étais plus concrètement dans l’équipe. »

Celui qui est désormais directeur des loisirs, de la culture et de la vie communautaire pour la Ville de Carleton-sur-Mer juge que GRAFFICI a toujours sa raison d’être 20 ans plus tard. Le média continue de réfléchir la Gaspésie et de proposer un contenu rigoureux et des articles fouillés, ce qui fait la grande fierté de l’écrivain.

Merci, Pascal, de continuer, 20 ans plus tard, à écrire l’histoire de GRAFFICI!


Photos : 1-fournie par Pascal Alain, 2-Roxanne Langlois

 

Une naissance… intense!

Mettre au monde GRAFFICI ne fut pas une tâche facile, Mélanie Cotnoir peut en témoigner. Ayant quitté le navire après la toute première édition, au bout du rouleau, la cofondatrice aborde désormais sereinement et avec humour cette période mouvementée. Elle raconte même des anecdotes avec enthousiasme, admettant avoir appris de cette « immense expérience de vie ».

Celle qui a contribué à mettre sur pied le journal indépendant se connaît désormais beaucoup mieux grâce à celui-ci. Si la quantité de travail abattu et les innombrables heures investies dans le projet ont eu raison de sa santé et de sa participation à ce qui était alors un mensuel, la principale intéressée, extrêmement perfectionniste, aura appris à ralentir par la suite. Chargée du graphisme, celle-ci participait aussi notamment à la rédaction, au démarchage des collaborateurs et à leur gestion. Mélanie Cotnoir n’avait pas à ramener du travail à la maison puisque celui-ci s’y était littéralement fait un nid. « Le quartier général du GRAFFICI, c’était chez moi », se rappelle-telle en riant.

Comme ses compatriotes de l’époque, celle qui œuvrait alors en arts visuels en plus de faire de la musique ne pourra oublier cette intense période qui a précédé le lancement du premier numéro: « J’étais vraiment dedans. Je pouvais passer dix, vingt heures à monter une publicité. Je scannais du papier sablé pour faire un fond de plage à ma pub! Je déjeunais, je dînais et je soupais devant mon ordi. ».

L’artiste, qui a notamment étudié en Arts et lettres, est heureuse de voir qu’autant de personnes apportent désormais de l’eau au moulin de l’organisme sans but lucratif. «Ça prend beaucoup de gens pour porter un projet. Tu as beau avoir les capacités, toute la volonté du monde et la motivation, il faut vraiment s’entourer de nombreux collaborateurs. C’est ce que c’est devenu, GRAFFICI, et c’est génial! Ça ne peut pas reposer sur les épaules de deux ou trois personnes », fait valoir celle qui est désormais en pleine forme.

GRAFFICI ne fut pas la seule cause qu’a épousée la dame originaire de la Rive-Sud de Montréal. Au début des années 2000, elle sera aussi engagée de près dans le mouvement de contestation déployé contre la construction d’un incinérateur de Bennett Environmental à Belledune, au Nouveau-Brunswick. Les demi-mesures n’étant pas la spécialité de Mélanie Cotnoir, elle s’est ainsi « engagée à fond» dans la protestation.

Celle-ci parle encore à ce jour avec émotion du projet, plus tard abandonné par l’entreprise. « Ça aurait vraiment détruit la baie des Chaleurs. Ça n’avait aucun bon sens! Belledune était déjà, si je me souviens bien, la septième ville la plus polluée au Canada. On aurait dit qu’ils (les responsables du projet) visaient la première place! », se remémore-t-elle.

Âgée de 43 ans, Mme Cotnoir réside désormais à Québec, où elle entamera cet automne une nouvelle étape déterminante pour elle : une formation en dessin de bâtiment. Si elle a quitté la Gaspésie il y a environ 15 ans, elle y est revenue à de nombreuses occasions depuis, notamment pour y offrir des prestations musicales. Celle qui a d’ailleurs produit un album se réjouit à l’idée de voir le journal indépendant toujours aussi vivant: «C’est fou! Je suis à la fois fière et admirative du bébé que l’on a mis au monde, mais aussi de la Gaspésie et de la gang qui a su par la suite porter le projet. Ça veut dire qu’on ne s’était pas trompés, que ça prenait vraiment un journal comme celui-là».

Merci, Mélanie, d’avoir mis tout ton cœur et ton énergie dans les balbutiements de GRAFFICI!


Photos : archives personnelles de Mélanie Cotnoir

 

Apprendre à rebondir

Françoise Leblanc Perreault débarque dans le paysage de GRAFFICI tout juste après le lancement du premier numéro, en remplacement de Mélanie Cotnoir. La jeune femme était avide de défis et avait un talent indéniable pour la résolution de casse-têtes : elle avait absolument la tête de l’emploi!

Déjà détentrice d’un baccalauréat en science politique, l’étudiante est candidate à la maîtrise en relations internationales, en 2000, lorsqu’elle revient dans sa Gaspésie natale, le temps d’un été. Elle rentre alors d’un éreintant voyage de six mois en Israël et en Palestine, dont le conflit est le sujet du mémoire qu’elle rédige à ce moment.

Si elle admet que revenir s’installer sur la péninsule sur une base permanente ne faisait alors pas du tout partie de ses plans, son conjoint, né à Paris, tombe sous le charme de la mer et de l’endroit: l’idée fait donc son chemin dans la tête de l’universitaire originaire de Carletonsur-Mer. Au même moment, une place est vacante au sein du noyau de base du GRAFFICI; le mandat du poste est plutôt large et… très peu défini! « Je me souviens, Normand et Pascal m’avaient convoquée en entrevue chez Pascal, autour de sa table de cuisine avec sa nappe fleurie. Ils buvaient une bière ! », raconte Mme Leblanc Perreault en riant.

Cet épisode loufoque constituera le point de départ d’une riche contribution qui durera environ six ans. Principalement responsable de l’administration, la nouvelle venue, charmée par le projet et la cause, sera également amenée à effectuer la mise en page de plusieurs numéros. Aux côtés de ses deux collègues, la recrue s’investira sans compter, allant même jusqu’à prendre la direction du journal après leur départ. « Les trois, on était là-dedans à fond. C’était notre vie… au grand désespoir de mon chum, des fois ! Je passais beaucoup plus de temps avec Pascal qu’avec lui! », se remémore-t-elle avant de s’esclaffer.

Françoise Leblanc Perreault passera finalement le flambeau en 2006; elle met alors le cap vers la Fondation communautaire Gaspésie-Les Îles, dont elle devient la directrice. Elle œuvre depuis 2009 pour le Cégep de la Gaspésie et des Îles, où elle assure actuellement le poste de directrice adjointe des études. Avec du recul, la gestionnaire estime avoir appris à rebondir au sein de l’équipe de GRAFFICI. « J’ai toujours aimé les affaires un peu
compliquées et difficiles et j’ai été bien servie à GRAFFICI. […] J’ai développé des compétences dans toutes sortes de choses, mais ce qui me sert le plus aujourd’hui dans mon travail, c’est ma capacité à résoudre des problèmes », explique la dame désormais âgée de 44 ans.

GRAFFICI a surmonté bon nombre de difficultés; chaque année a en effet, selon Mme Leblanc Perreault, comporté sa part d’obstacles à contourner et de solutions à inventer. Si le mensuel d’alors a su garder la tête hors de l’eau malgré tout, son ex-directrice est bien loin d’en prendre le crédit. GRAFFICI a bel et bien été sauvé, en 2001, mais c’est à ses yeux par un tout nouveau bénévole qu’il l’a été. Sa distribution constitue alors un problème qui compromet sa survie.

«On n’avait plus de solution! On n’avait pas d’argent pour faire la distribution, on avait brûlé plein de bénévoles et même scrapé des chars pour la faire. […] Dans ma tête, moi, j’étais prête à ce que le journal cesse ses activités, parce qu’on était devant un mur », relate-t-elle.

L’inattendu survient toutefois lors d’une assemblée générale annuelle durant laquelle est exposée la problématique. L’auditoire ne compte alors qu’un seul étranger parmi les collaborateurs et partenaires qui gravitent autour du journal: il s’appelle Camille Leduc. « Il a levé la main en disant qu’il allait le distribuer, le journal. Et il l’a fait! À ses frais et avec son char! Je ne pourrais pas dire pendant combien d’années ça a duré, mais il n’a pas manqué un seul mois», souligne Mme Leblanc Perreault.

Merci, Françoise, pour ta résilience et les innombrables solutions apportées au fil des ans !

Photos : archives personnelles de Françoise Perreault

Lire la partie 2: Des faits intéressants

Lire la partie 3: Quelques anecdotes

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