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18 novembre 2021 9 h 50

REFUGES ANIMAUX : OÙ EN EST LA RÉGION? texte 2/4

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La situation des animaux abandonnés ou errants reste préoccupante en Gaspésie. Aucune des cinq MRC du territoire n’offre les deux conditions incontournables pour que ces animaux soient recueillis, soignés, nourris et mis en adoption : il faut des gens rémunérés et un refuge. Il y a deux vrais refuges, au lieu de quatre ou cinq souhaitables, mais dans toute la péninsule, pas une seule personne n’est rémunérée pour voir à ces refuges ou pour s’occuper des familles d’accueil. Tout ne repose que sur les épaules de quelques bénévoles, qui recueillent les animaux dans leur maison, dans un bâtiment cédé par la municipalité ou dans leur commerce! GRAFFICI examine la situation de près et tente d’évaluer ce qu’il faudrait faire pour « humaniser » le contexte animal.

« Toujours courir après des cent piastres »

GASPÉ | Les intervenantes se le font sans cesse répéter : s’occuper des animaux comme elles le font vient d’une véritable vocation. Aussi passionnées par les petites bêtes qu’elles le soient, les administratrices des refuges de la Gaspésie doivent toutefois passer plusieurs heures à une tâche bien plus ingrate : « courir après des cent piastres ».

Tournées de ramassage de canettes, vente de bûches de Noël, loteries, fabrication de calendriers à l’effigie des pensionnaires et même spectacles en direct sur les réseaux sociaux : tous les moyens sont bons pour récolter des fonds afin de mener à bien la mission des refuges animaliers de la Gaspésie.

« Il faut toujours avoir des activités en cours et penser aux moyens pour payer les prochains mois », explique Dany, la présidente d’Organisme d’aide animale (OAA) Espoir Câlin de la MRC du Rocher-Percé. « On passe beaucoup trop de temps consacré à ça, mais on n’a pas vraiment le choix », ajoute-t-elle.

Si la situation varie énormément d’un bout à l’autre de la péninsule – quelques organismes peuvent compter sur l’aide des municipalités pour fournir le lieu d’hébergement – toutes les ressources d’aide aux animaux doivent redoubler, voire « retripler » d’efforts pour trouver les sommes nécessaires afin d’offrir les services, particulièrement ceux touchant les chats errants.

« Même si notre entente avec la MRC pour les chiens couvre une partie des dépenses courantes, tous les autres frais sont payés à même les activités de financement portées par notre équipe », note Dany.

Autre similarité entre les différentes structures : les factures des vétérinaires s’empilent sur les bureaux des administratrices. Même en tentant de réduire au minimum la tâche pour les professionnels de la santé animale, avec l’aide de bénévoles, les refuges amassent des milliers de dollars de factures chaque année en raison des très nombreuses interventions nécessaires, particulièrement lorsqu’il est question de contrôler la population de chats errants.

« Quand les chats sortent d’ici, ils sont vermifugés, stérilisés, vaccinés deux ou trois fois et soignés des problèmes avec lesquels ils sont entrés. On ne fait pas un sou avec les frais d’adoption », précise la présidente de l’organisme de la MRC du Rocher-Percé. « Même qu’on perd de l’argent à chaque fois. »

Chez l’Ami des bêtes de Sainte-Anne-des-Monts, l’année 2021 est en voie d’être la première où le refuge n’aura pas accumulé de dettes chez les professionnels de la santé animale. « On n’a pas de sous d’avance, mais au moins, on a réussi à prendre le dessus sur le vétérinaire », se réjouit la présidente, Manon Parent, une infirmière auxiliaire de formation qui a renoncé à son poste pour mettre sur pied et diriger le refuge, bénévolement.

« On vit au mois. On fait beaucoup de demandes d’aide un peu partout. J’ai souvent l’impression que ma job, c’est de courir après des cent piastres », laisse tomber Mme Parent, qui a elle-même contracté un prêt de 15 000 $ afin de permettre au refuge de passer au travers de la pandémie.

Dans la MRC de la Côte-de-Gaspé, l’animalerie À chacun sa bête a pris la responsabilité de s’occuper des chats errants et abandonnés, puisque personne ne le faisait. « Le mariage animalerie-refuge n’est pas la meilleure option, mais c’est mieux que rien », admet la copropriétaire, Marie-Renée Lavoie. « Dans un monde idéal, la ville de Gaspé prendrait ses responsabilités et créerait un organisme dédié uniquement aux animaux, et fournirait un lieu pour le refuge. […] À nous seuls, à même l’animalerie, on ne répond pas aux besoins, mais au moins, on fait ce qu’on peut. »

« On n’a aucun bénéfice à faire ça, bien honnêtement. Normalement, ça ne serait pas à nous de s’occuper de ça. La Ville nous a pas mal rejeté ça sur le dos, mais on le fait pour sauver ces animaux-là », explique Mme Lavoie.


La présidente de l’Ami des bêtes, Manon Parent, et Alexia Desormeaux, une bénévole du refuge. Photo : Simon Carmichael

Des municipalités qui résistent

Si certains refuges peuvent compter sur le soutien des communautés environnantes, d’autres doivent sans cesse prouver leur pertinence auprès des élus pour obtenir un financement récurrent et stable. Malgré une loi provinciale les forçant à s’équiper d’un plan pour encadrer les chiens, certaines municipalités préfèrent ne pas faire affaire avec les refuges, attitrant plutôt la tâche aux services municipaux.

En Haute-Gaspésie, seule Sainte-Anne-des-Monts a accepté de signer une entente avec le refuge l’Ami des bêtes. La municipalité de Les Méchins, au Bas-Saint-Laurent, a également désigné l’organisme responsable de la gestion des chiens sur son territoire.

« C’est tellement fâchant ! », lance la présidente de l’organisme sans but lucratif, Manon Parent. En abordant ce sujet, cette dernière prévient : les refus répétés des municipalités de signer des ententes avec le refuge la mettent hors d’elle. « Arrêtez de nous taper dans le dos, [de] nous dire qu’on est bons pis fins et prenez vos responsabilités! », s’indigne Manon Parent.

« Ça n’a pas de sens de dire à quelqu’un qui nous appelle pour un animal blessé ou dangereux que même si on est un refuge, on n’interviendra pas parce que son maire ou sa mairesse n’a pas voulu embarquer. En même temps, je ne peux pas forcer les élus à signer ! Il faut qu’ils arrêtent de se fermer les yeux », plaide-t-elle.

L’adhésion des huit municipalités de La Haute-Gaspésie au service offert par l’Ami des bêtes changerait complètement la donne, explique la présidente, notamment en assurant un revenu stable et constant. « Franchement, je ne comprends pas pourquoi [les municipalités] n’embarquent pas. Arrêtez de rire de nous. On est un service, une oeuvre de charité. Le plus fâchant, c’est que je sais qu’ils vont agir juste quand je vais baisser les bras, quand on va fermer nos portes. Il faut éviter de se rendre là », se désole Manon Parent.

Une entente qui simplifie la vie

Le maire de Sainte-Anne-des-Monts, Simon Deschênes, voit des bénéfices clairs depuis la signature d’une entente avec le refuge. « Avant, quand on avait un appel, il fallait assigner un employé municipal, souvent en période de temps supplémentaire, pour intervenir. Aller capturer le chien, le ramener au garage municipal, l’héberger dans le garage municipal. Ensuite il fallait s’occuper de lui, le nourrir, le faire sortir, nettoyer son espace, tout en essayant de retrouver sa famille ou de lui en trouver une autre », explique-t-il. « C’est beaucoup plus simple pour la Ville, et mieux pour l’animal, d’être pris en charge par une équipe dédiée et qui a l’expertise », juge M. Deschênes.

Même s’il reconnaît le besoin et les bienfaits du refuge, le maire de Sainte-Anne-des-Monts a régulièrement rejeté des demandes de financement supplémentaire pour l’Ami des bêtes. « C’est bien dommage, mais on ne peut pas être les seuls à contribuer », lance le maire, écorchant les élus voisins qui refusent de débloquer les fonds nécessaires pour faire affaire avec le refuge.

Le maire de La Martre, Yves Sohier, ne considère pas s’être désengagé par rapport à la gestion animalière. Même si elle n’a pas signé d’entente avec le refuge pour la gestion des chiens, en raison d’un « argument financier », la municipalité de 250 habitants affirme être active sur le dossier, notamment en mettant à la disposition des citoyens des médailles pour identifier leurs animaux.

« On a un petit budget de 450 000 $ par année, alors il a fallu faire des choix », note le maire, ajoutant que La Martre sera l’une des premières de la Gaspésie à mettre en place un règlement pour contrôler la population de chats errants, règlement qui inclut une entente avec le refuge l’Ami des bêtes. « On est proactifs, mais notre problème c’est beaucoup plus les chiens perdus que les chiens dangereux », conclut-il.


Les copropriétaires du refuge et de l’animalerie À chacun sa bête de Gaspé, Marie-Renée Lavoie (gauche) et Joannie Normand (droite), espèrent que les municipalités « prendront leurs responsabilités » quant au contrôle des animaux. Photo : Simon Carmichael

Le montant du bonheur

Malgré d’importants défis financiers, les organismes animaliers de la Gaspésie n’ont pas l’impression de demander la lune. On souhaiterait plutôt un financement supplémentaire stable et récurrent qui permettrait aux ressources animalières de passer à un autre niveau de services.

Chez OAA Espoir Câlin, à Grande-Rivière, « quelques dizaines de milliers de dollars » supplémentaires annuellement feraient une importante différence, selon la présidente. « C’est sûr que si on pouvait en avoir plus, ça serait pas mal mieux. Malgré tout, on est dans une position où on ne peut pas trop demander », explique Dany, rappelant que le bâtiment qui héberge le refuge a été complètement rénové par la municipalité, avant d’être loué au refuge. « On sait qu’on est chanceux », convient-elle.

Sans préciser de nombre, Marie-Renée Lavoie, copropriétaire d’À chacun sa bête, de Gaspé, juge qu’une « somme importante » serait nécessaire pour permettre d’avoir ses propres installations, hors de l’animalerie, mais qu’un tel investissement changerait la donne dans la situation animalière de la Côte-de- Gaspé.

De son côté, la présidente de l’Ami des bêtes estime qu’avec un financement supplémentaire récurrent de 50 000 $ par année, l’organisme serait en assez bonne santé financière pour entamer de nouveaux projets, notamment mettre sur pied un « jardin souvenir » pour aider les propriétaires endeuillés à pallier la perte d’un compagnon, par exemple, en plantant un arbre.

« Mais avant tout, on pourrait rembourser les dépenses de nos bénévoles, comme l’essence. C’est fou de penser que faire du bénévolat, ça leur coûte de l’argent », se désole-t-elle. « Et à 100 000 $ [de budget total] par année, Manon pourrait dormir », laisse-t-elle tomber.

 

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