REFUGES ANIMAUX : OÙ EN EST LA RÉGION? texte 3/4
La situation des animaux abandonnés ou errants reste préoccupante en Gaspésie. Aucune des cinq MRC du territoire n’offre les deux conditions incontournables pour que ces animaux soient recueillis, soignés, nourris et mis en adoption : il faut des gens rémunérés et un refuge. Il y a deux vrais refuges, au lieu de quatre ou cinq souhaitables, mais dans toute la péninsule, pas une seule personne n’est rémunérée pour voir à ces refuges ou pour s’occuper des familles d’accueil. Tout ne repose que sur les épaules de quelques bénévoles, qui recueillent les animaux dans leur maison, dans un bâtiment cédé par la municipalité ou dans leur commerce! GRAFFICI examine la situation de près et tente d’évaluer ce qu’il faudrait faire pour « humaniser » le contexte animal.
« NOUS SOMMES PLUS ÉVOLUÉS QUE ÇA »
EN RAFALE AVEC LA VÉTÉRINAIRE CATHERINE LANDRY
CAPLAN | Comptant neuf ans d’expérience comme vétérinaire, Catherine Landry, de la Clinique vétérinaire du Sud-Gaspésien à Caplan, a vu sa part de misère animale depuis le début de sa carrière. Elle répond à quelques questions posées en rafale par GRAFFICI.
C’est arrivé comment, la boîte de chats déposée chez vous, et qui ont plus tard été confiés à Mia Sainte-Marie, du Réseau de protection animale de la Baie-des-Chaleurs?
C’est venu d’une dame qui a vu arriver une chatte chez elle, dehors. Elle a décidé de l’adopter. J’aime mieux ça qu’un animal qui naît dans le froid et qu’on trouve ensuite des cadavres de petits chatons. On en voit et on en entend de toutes sortes.
Vous connaissez cette dame?
Oui, je sais de qui il s’agit. Je n’ai pas fait d’accusations publiques. Je ne l’ai pas appelée. Je me suis dit que si elle ne voulait pas le faire au grand jour, elle avait sans doute une raison. Je la rencontrerai peut-être un jour et je lui parlerai.
Vous faites quoi en pareil cas?
Je stérilise les chats, je les soigne. Je fais tout gratuitement pour eux. On se fait « domper » des chats à notre ferme. Le Réseau de protection animale en reçoit aussi.
Quels sont les pires cas d’animaux abandonnés ou errants que vous avez vus?
On en trouve avec des pattes cassées, avec des blessures sévères, dans un état semi-comateux, émaciés. On parle des chats. J’ai fait des saisies avec le ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation (MAPAQ). J’ai vu des affaires que je ne pensais jamais voir, comme des yeux énucléés, qui pendent à l’extérieur d’une boîte crânienne.
Le contexte n’est pas toujours aussi grave?
On en a [des animaux] qui sont en forme, mais les refuges sont tous débordés. Quand les refuges sont débordés, qu’il n’y a plus personne pour les accueillir, la solution, c’est l’euthanasie. Mais je ne fais pas d’euthanasie de convenance; euthanasier un animal en santé, ça nous use. Les gens nous disent : « Vous avez juste à ne pas euthanasier. » On fait déjà 80 heures de travail par semaine. On a une vie familiale aussi. On ne peut prendre tous les animaux.
Que dites-vous aux gens qui laissent leurs animaux dehors quand ils partent en voyage, sous prétexte qu’ils chasseront leurs repas?
On ne laisse pas un chat dehors. C’est un chat domestique. Ils ne sont pas tous de bons chasseurs, ils n’ont pas tous l’instinct de survie. On laisserait un enfant de 12 ans seul à la maison une semaine? Un chat, ce n’est pas un tigre dans la savane. Il a été domestiqué!
Quelle est l’espérance de vie d’un chat dehors?
Il n’a pas l’espérance de vie de 18 ans, comme un chat d’intérieur. Cinq ans ou six ans, c’est le plus long qu’un chat de ferme va vivre. Il va mourir de faim, de maladie, d’engelures ou il sera frappé par une voiture. Nous sommes plus évolués que ça!
Vous avez des tarifs spéciaux pour les cas d’animaux errants ou abandonnés?
Pour les réseaux, pour les refuges, oui. Je me réserve aussi une journée par année, des fois deux, pour faire des stérilisations gratuitement. Il y a les propriétaires de ferme; il y a aussi un tarif pour ces personnes. Ce n’est pas de leur faute; je ne chargerai pas 180 $ pour une chatte qui a été « dompée » chez eux. Je ne peux le faire gratuitement, par contre. J’ai des employés, une clinique à payer.
La COVID change-t-elle la donne?
Je crains l’abandon. Les gens retournent au travail. Déjà, j’ai vu des gens se départir, se débarrasser de leurs animaux parce qu’ils ne cadrent pas dans leur vie. J’ai adopté un « chien COVID » et une technicienne travaillant ici en a adopté un aussi. Je vois aussi beaucoup de problèmes comportementaux. J’ai la crainte de voir le problème s’amplifier, avec des refuges qui débordent déjà. Disons que c’est inquiétant. Ce sont les abandons non encadrés qui me font peur. Un abandon encadré, avec des gens nous contactant, ou qui contactent les refuges, c’est mieux. Je me dis qu’au moins, ces gens ont une conscience. Je n’aime pas voir un chat adopté qui arrive ici pour euthanasie. Je leur demande : « Pouvez-vous donner un montant pour qu’on tente de trouver un foyer? » Les gens trouvent qu’on coûte cher, mais ils ne voient pas toujours tout le travail exigé.
Gilles Gagné
Catherine Landry aimerait bien que tous les animaux arrivent chez elle aussi bien traités que Jack, de Paspébiac. Photo : Gilles Gagné
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