REFUGES ANIMAUX : OÙ EN EST LA RÉGION? texte 4/4
La situation des animaux abandonnés ou errants reste préoccupante en Gaspésie. Aucune des cinq MRC du territoire n’offre les deux conditions incontournables pour que ces animaux soient recueillis, soignés, nourris et mis en adoption : il faut des gens rémunérés et un refuge. Il y a deux vrais refuges, au lieu de quatre ou cinq souhaitables, mais dans toute la péninsule, pas une seule personne n’est rémunérée pour voir à ces refuges ou pour s’occuper des familles d’accueil. Tout ne repose que sur les épaules de quelques bénévoles, qui recueillent les animaux dans leur maison, dans un bâtiment cédé par la municipalité ou dans leur commerce! GRAFFICI examine la situation de près et tente d’évaluer ce qu’il faudrait faire pour « humaniser » le contexte animal.
GASPÉ | « Plus personne ne me croit quand je leur dis que je reviens bientôt », lance en riant la présidente de l’Ami des bêtes, Manon Parent. Chez Dany, qui dirige le refuge de l’Organisme d’aide animale (OAA) Espoir Câlin, « partir 15 minutes » veut plutôt dire deux ou trois heures. S’engager dans un refuge pour animaux signifie faire d’importants sacrifices, et les administratrices et bénévoles le savent trop bien.
« Ça prend une famille très, très, très compréhensive », précise d’entrée de jeu la présidente d’OAA Espoir Câlin de Grande-Rivière, en prenant bien soin de mettre l’accent sur toutes les répétitions.
« Le téléphone et les messages textes, ça rentre à toute heure. On ne s’en sort pas », explique-t-elle. Lorsqu’elle est au refuge, Dany évite de partager son nom de famille ou son profil Facebook. C’est une limite qu’elle s’est imposée, souhaitant épargner du brouhaha des animaux ce dernier coin de sa vie personnelle.
« On s’implique tellement qu’on laisse un peu de côté les autres occupations, les temps libres, et finalement la famille », raconte celle qui donne une quarantaine d’heures par semaine au refuge, sinon plus, tout en occupant un emploi à temps complet dans la fonction publique. « Au moins, on se dit que c’est pour les animaux, c’est une bonne cause, que ce n’est pas en vain. »
Lorsqu’on aborde les sacrifices qu’elle a dû faire pour ouvrir le refuge l’Ami des bêtes de Sainte-Anne-des-Monts, Manon Parent s’esclaffe. À peine la porte franchie, elle demande à son mari, qui est aussi secrétaire de l’organisme, qu’est-ce que le couple a dû laisser de côté pour mener à bien la mission du refuge. « Notre vie ! », rétorque Gaétan Savard, avec un sourire en coin. « On s’est acheté un chalet, avec une belle piscine, et cet été, on a pu y aller trois fois, en vitesse », illustre-t-il.
Plus que du temps, certains acceptent même de renoncer à une partie de leur domicile pour répondre aux besoins du refuge. En manque criant de familles d’accueil et d’espace, la présidente d’OAA Espoir Câlin a transformé deux pièces de sa maison en rallonge du refuge. Après la chambre de sa fille, son bureau est finalement devenu une pièce animale. « Maintenant, je travaille sur la table de la cuisine », note-t-elle en riant, comme si de rien n’était. « Mais c’est pour les animaux ! », rappelle Dany, moqueuse.
Pour travailler dans un refuge pour animaux, il faut accepter de se laisser « envahir » par les animaux et renoncer à certaines activités. Photo : Simon Carmichael
« Une pandémie anxiogène pour les propriétaires d’animaux
GASPÉ | Les longs confinements imposés par la pandémie ont forcé les Québécois à rester à la maison, multipliant les heures passées à observer leurs animaux de compagnie. Si bien que les propriétaires d’animaux ont commencé à suranalyser les comportements de leurs compagnons, déclenchant une vraie « pandémie d’anxiété », selon la vétérinaire de Gaspé, Ève Woods-Lavoie.
La vétérinaire Ève Woods-Lavoie juge qu’il faut traiter nos compagnons « comme des animaux, plutôt que comme des bébés ». Photo : Simon Carmichael
« Les gens ont le temps de tout observer chez leurs compagnons puisqu’ils sont à la maison. Au moindre comportement bizarre, on les scrute, et on finit souvent par prendre un rendez-vous, parfois pour pas grand-chose », explique la vétérinaire de la clinique à son nom.
Si elle préconise tout de même la prudence, la Dre Woods-Lavoie rappelle aux propriétaires d’animaux que la routine de ceux-ci a également été chamboulée avec la pandémie, et que les réactions physiques et comportementales sont normales, sauf si elles sont excessives. « Comme vous, votre chat et votre chien ont remarqué les changements
avec la pandémie. Ça peut mener à des grattements, du léchage excessif ou autres symptômes de stress. Oui, il faut les remarquer, mais il ne faut pas virer fou avec ça non plus », nuance-t-elle.
Depuis quelques mois, la vétérinaire gaspésienne note également une augmentation de l’attachement et de la charge émotive liés aux soins des animaux, et surtout aux inquiétudes des propriétaires. Afin de donner du répit à son équipe, la Dre Woods-Lavoie a décidé de réduire ses heures d’ouverture, malgré la pression qui s’exerce sur les vétérinaires, eux aussi, victimes de la pénurie de main-d’oeuvre. « Ce sont des émotions, des situations qui demandent beaucoup d’énergie à notre personnel. C’était la décision à prendre si on veut pouvoir continuer », soutient la professionnelle.
« On a de plus en plus l’impression de traiter des humains, puis des animaux. Il y a beaucoup de pédagogie, d’écoute et d’émotions à gérer. Certainement plus qu’avant », remarque-t-elle. « C’est toujours très émotif quand il est question de nos animaux, et c’est normal, mais il faut quand même se rappeler qu’il ne s’agit pas de bébés ou de jeunes enfants. Il faut les traiter comme des animaux, parce qu’ils en sont », rappelle la vétérinaire.
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