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27 mars 2024 11 h 15

Dossier pêche 2/5 : Programme d’aide

Gilles Gagné

Journaliste

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À la même période l’an dernier, GRAFFICI publiait un dossier à propos de la pêche au sébaste. À ce moment, le feu vert n’avait toujours pas été donné pour sa capture commerciale. Bien de l’eau a coulé sous les ponts depuis. Aujourd’hui, la ressource demeure abondante. Même si les pêcheurs ont finalement obtenu leur autorisation pour se lancer à son assaut, les défis demeurent multiples et complexes. C’est d’autant plus vrai qu’ils sont en partie imbriqués avec les enjeux entourant la crevette nordique, dont dépendent environ 1000 emplois directs et indirects dans le Grand Gaspé seulement. Voici un résumé de plusieurs facettes pour bien comprendre le phénomène.

Crevettiers : à quand un vrai programme d’aide?

CARLETON-SUR-MER | L’inquiétude tenaille les crevettiers gaspésiens depuis quelques années à cause du déclin de la ressource, mais il est devenu évident au début de l’été 2023 qu’ils se trouvaient alors en sérieuses difficultés, puisqu’ils ont capturé moins de la moitié du contingent global prévu pour les quatre zones de capture.

Pourtant, malgré cette longue période d’incertitude, ni le gouvernement fédéral, par le biais de la ministre des Pêches, des Océans et de la Garde côtière canadienne, Diane Lebouthillier, ni le ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec, le MAPAQ, n’ont précisé s’ils entendent déposer un plan défini d’aide à long terme pour les 39 crevettiers gaspésiens, bas-laurentiens et nord-côtiers.

Pour l’instant, la ministre Lebouthillier se cantonne dans un message qui se résume à dire qu’il s’agit d’un processus évolutif, ayant jusqu’à maintenant débouché sur l’octroi d’un quota de 3060 tonnes métriques de crevette nordique, dont 1080 pour le Québec. À ce volume s’ajoutent, pour les crevettiers toujours, 10 % d’un contingent de 25 000 tonnes de sébaste.

D’autres mesures se juxtaposeront à ce « plancher », note la représentante de la circonscription de Gaspésie-Les Îles-de-la-Madeleine, qui refuse pour le moment de donner une entrevue à GRAFFICI à propos d’un programme de rachat de permis détenus par les crevettiers.

Par écrit, Diane Lebouthillier insiste pour dire que le marasme secouant le secteur de la crevette est lié « à la crise climatique, [qui] est réelle et [dont les] effets se font déjà ressentir dans nos écosystèmes marins. La crevette en est victime, mais d’autres espèces sont appelées à vivre des perturbations similaires au cours des prochaines années. C’est pourquoi une réflexion plus large sur l’avenir des pêches s’impose ».

La question d’un programme d’aide pour les pêcheurs semble aussi épineuse pour l’État québécois puisqu’il n’a pas été possible pour GRAFFICI d’obtenir une entrevue à ce sujet avec le ministre André Lamontagne, du MAPAQ, ministère responsable des prêts de bateaux de pêche. Il s’est limité à un message écrit.

« L’ouverture de la pêche au sébaste n’est pas la seule réponse aux défis que rencontrent actuellement certains pêcheurs et transformateurs. Nous venons d’annoncer près de 3,8 millions de dollars pour appuyer le secteur des pêches en Gaspésie et aux Îles de-la-Madeleine. Cette aide permettra de soutenir les pêcheurs, les transformateurs et leurs communautés côtières, qui subissent les effets d’une diminution importante des activités de pêche et de transformation. L’aide va également permettre aux intervenants de brosser un portrait à jour des changements vécus et de planifier l’avenir. Ce qu’on attend maintenant du fédéral, c’est du soutien concret pour nos régions côtières », précise le ministre.

Une tranche majeure des 3,8 millions de dollars (M$), soit 2,7 M$, sert à former la main-d’oeuvre des usines. Elle vient d’Emploi Québec. En fait, et bien que personne ne minimise l’adaptation des travailleurs aux réalités d’aujourd’hui, les seules sommes venant du MAPAQ sont les 156 000 $ versés à l’Association des capitaines propriétaires de la Gaspésie et les 89 700 $ accordés à l’Association québécoise de l’industrie de la pêche. La MRC de La Côte-de-Gaspé reçoit 452 000 $ du ministère de l’Économie.


Le secteur de la crevette est suspendu à la possibilité que la ministre Diane Lebouthillier améliore les mesures d’atténuation nécessaires pour alléger les effets de la crise. Le MAPAQ semble attendre lui aussi. Photo : Gilles Gagné

Question en suspens : les prêts de bateaux

La question la plus fondamentale demandée au ministre Lamontagne reste toutefois en suspens. Elle touche les prêts de bateaux, qui sont de juridiction québécoise.

Le Ministère a garanti les prêts aux détenteurs de permis de pêche à la crevette pour un montant de 20 791 463 $. Le solde en capital de ces prêts totalise actuellement 17 764 400 $.

GRAFFICI a donc demandé au ministre Lamontagne si le MAPAQ accordera un délai de grâce aux crevettiers qui doivent globalement ces 17 791 463 $ au ministère, et si oui, pendant combien de temps.

Aucune réponse à cette question n’a été fournie par le ministre ou par son entourage. Yohan Dallaire Boily, relationniste au MAPAQ, a donné quelques explications par écrit.

« Lorsque des allégements ou des assouplissements aux modalités des conventions de cautionnement sont possibles, il y a discussion avec les pêcheurs concernés et les institutions financières afin de trouver une solution satisfaisante pour toutes les parties. La présente situation ne permet pas de donner plus de détails, car des analyses et des discussions sont toujours en cours », explique M. Dallaire Boily.

« À plusieurs reprises, le ministre Lamontagne a abordé la situation avec son homologue fédérale. Plus récemment, le 8 mars dernier, une lettre a été transmise à la ministre Lebouthillier. Il a aussi pu discuter avec cette dernière lors de son passage au Boston Seafood Show, qui s’est tenu du 10 au 12 mars derniers. Il a notamment demandé, qu’à titre de gestionnaire des ressources halieutiques, le gouvernement fédéral mette en place des mesures de soutien pour la restructuration de la flottille de crevettiers et ce, dans les meilleurs délais », conclut-il.

La patience est donc de mise pour les pêcheurs. Lors de l’émergence de la crise du poisson de fond, entre 1992 et 1995, le gouvernement fédéral avait accordé, en marge d’un programme dévoilé en 1994 et qui s’est appelé la Stratégie du poisson de fond de l’Atlantique, ou LSPA, une somme de 1,9 milliard de dollars pour les pêcheurs et travailleurs d’usines de Terre-Neuve, de la Nouvelle Écosse, du Nouveau-Brunswick, du Québec et de l’Île-du-Prince-Édouard.

Il est encore trop tôt pour comparer la crise de la morue et celle touchant la crevette. Il est toutefois certain que la première a été plus dévastatrice que la seconde, puisqu’une évaluation globale situait le nombre de personnes directement touchées entre 1992 et 1995 à 30 000 en Atlantique, incluant le Québec.

Selon des renseignements préliminaires obtenus de Pêches et Océans Canada, les divers programmes de LSPA ont mené au retrait de 129 permis de poisson de fond au Québec, alors que 17 pêcheurs et aides pêcheurs ont bénéficié du programme de retraite anticipée. Le volet de rachat de permis au Québec a coûté 47 M$.

 

Pour lire tout le dossier Pêche :
1/5 LA PERLE ROSE DU SAINT-LAURENT EN CHUTE LIBRE
3/5 LE SÉBASTE EN FORTE ABONDANCE, MAIS EN DÉCLIN
4/5 LES CREVETTIERS À LA RESCOUSSE … OU PAS
5/5 LE TYPE D’ENGIN FAIT TOUTE LA DIFFÉRENCE DANS LA PÊCHE AU SÉBASTE, SELON DOMINIQUE ROBERT