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31 mars 2022 16 h 26

LA DIMINUTION DE L’OXYGÈNE N’A PAS DE CONSÉQUENCE SUR LE HOMARD DU SAINT-LAURENT

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Si la diminution importante du niveau d’oxygène dans les eaux du Saint-Laurent a des conséquences importantes pour plusieurs espèces marines, le homard en est exempt. C’est du moins le constat qu’en fait le chercheur en écophysiologie de l’Institut Maurice-Lamontagne de Mont-Joli, Denis Chabot.

POURQUOI LE HOMARD N’EST-IL PAS AFFECTÉ PAR LA DIMINUTION DE L’OXYGÈNE DANS LE SAINT-LAURENT?
Selon Denis Chabot, la faible teneur d’oxygène dissout dans les eaux du golfe du Saint- Laurent, aussi appelée hypoxie, n’est pas inquiétante pour le homard parce que le phénomène est limité aux eaux profondes, soit plus de 175 mètres. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle le spécialiste des effets de l’hypoxie sur la faune aquatique de l’estuaire et du golfe du Saint-Laurent n’a jamais étudié les effets sur le homard, étant donné que celui-ci n’est pas affecté par la diminution d’oxygène. « Les eaux situées à moins de 100 mètres de profondeur sont presque toujours très bien oxygénées, si bien que la question ne s’applique pas vraiment au homard du golfe du Saint-Laurent », confirme le chercheur.

Cependant, le homard serait plus sensible à la diminution d’oxygène si elle est accompagnée d’un réchauffement de l’eau. Mais, de l’avis de l’expert de l’Institut Maurice-Lamontagne, qui est l’un des plus grands centres de recherche de Pêches et Océans Canada, même si l’eau dans la zone où vit le crustacé se réchauffera au cours des prochaines années, elle ne deviendra pas létale pour lui.

Un endroit où l’hypoxie est une réalité pour le homard, dont l’espèce est la même que dans le Saint-Laurent, est le Long Island Sound, aux États-Unis, une baie située au nord du Connecticut, aux États-Unis, d’une longueur d’environ 150 km et d’une largeur de quelque 30 km.

« La cause est l’eutrophication, donc le rejet par l’homme de matières organiques ou d’éléments nutritifs dans l’eau, explique le scientifique. Ça permet une grosse prolifération de phytoplancton et, quand celui-ci meurt, il est décomposé par des bactéries, un processus qui consomme l’oxygène. » Selon M. Chabot, l’oxygène dans cette zone est devenu si rare en 1999 que sa diminution a causé une mortalité massive de homards.

LE HOMARD AIME LE RÉCHAUFFEMENT DE L’EAU
Le homard vit près des côtes et est pêché dans quelques dizaines de mètres d’eau. Comme celle-ci est en contact avec l’atmosphère, elle est à 100 % de saturation en oxygène. « Dans le golfe du Saint-Laurent, le homard aime le réchauffement, surtout sur la Côte-Nord, où il y a plus de homard maintenant qu’il y a 10 ans », observe Denis Chabot. Or, le golfe du Saint-Laurent ne risque pas d’atteindre des températures trop chaudes pour le homard au cours de ce siècle-ci, selon le chercheur. « Il n’y aura pas de problème avec la température ni avec l’oxygène dissout parce que c’est de l’eau peu profonde. »

LE HOMARD PLUS TOLÉRANT À L’HYPOXIE?
Le spécialiste des effets de l’hypoxie sur la faune aquatique de l’estuaire et du golfe du Saint-Laurent se réfère à une vieille étude portant sur la tolérance du homard à la baisse d’oxygène dissout dans l’eau réalisée par D. W. McLeese en 1956. « À environ 10 à 13 % de saturation en oxygène dissout, la plupart des homards étaient encore vivants après 24 heures lorsque l’expérience se déroulait à 15 ou 16 degrés Celsius. Mais la plupart étaient morts après 24 heures si la température était de 24 à 25 degrés Celsius. C’est typique des poissons et invertébrés marins : ils deviennent plus sensibles, donc moins tolérants quand la température augmente. Mais cette étude ne donne pas le seuil critique pour la survie à plus long terme. Ça fait du homard une bête quand même plutôt tolérante à l’hypoxie, bien que des tests avec des méthodologies plus modernes seraient requis. »

Une autre étude terrain réalisée en 1994 par Penelope Howell et David Simpson dans le Long Island Sound, au nord du Connecticut, démontre que le homard est plus tolérant à l’hypoxie que d’autres espèces de son environnement. Bien que l’abondance de homards était un peu réduite dans les sites les plus hypoxiques, cette espèce était parmi les plus tolérantes de celles étudiées.

L’ENNEMI DU HOMARD : L’ACIDIFICATION DE L’EAU
Si le crustacé n’est pas vulnérable à la diminution de l’oxygène, il pourra être éventuellement affecté par l’acidification des océans, un autre problème qui accompagne le réchauffement climatique. « De l’eau plus acide rend la tâche un peu plus difficile au homard pour construire sa carapace, explique le scientifique. À certains endroits du monde, l’eau est devenue tellement acide qu’elle est corrosive. Alors, elle gruge les coquilles et les carapaces. » Par conséquent, l’ennemi du homard du golfe du Saint-Laurent sera beaucoup plus l’acidification de l’eau que l’augmentation de la température et la diminution de l’oxygène dissout. « C’est un autre phénomène qui accompagne le réchauffement climatique, explique Denis Chabot. L’eau plus acide rend la tâche un peu plus difficile au homard et aux autres animaux pour construire leur coquille ou leur carapace. Donc, soit que l’animal a une coquille ou une carapace moins solide, soit qu’il doit dépenser de l’énergie pour la réparer. »

 

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