Dossier rêver de 2040 : partie 3/7 ENVIRONNEMENT
C’est le temps des vacances et en cette période estivale, GRAFFICI s’est permis de rêver en imaginant ce que pourrait être la Gaspésie de 2040. Des collaborateurs de tous les horizons partagent leur point de vue sur une foule d’enjeux qui, espérons-le, pourraient se concrétiser dans les prochaines années. Bonne lecture et bon été!
DES CITOYENS ENGAGÉS DANS LE PROCESSUS ENVIRONNEMENTAL
Pascal Bergeron, 41 ans, de Nouvelle, porte-parole d’Environnement Vert Plus et coordonnateur de la démarche Nourrir notre monde Avignon.
Photo : Gilles Gagné
Difficile de rêver la Gaspésie de 2040 en faisant abstraction des trajectoires décadentes des écosystèmes qui nous supportent. Faute de pouvoir rêver en couleur, essayons en noir et blanc.
En 2040, l’ensemble des quelques îlots restants de forêts anciennes bénéficie d’une solide protection, notamment en raison de la création de plusieurs aires protégées. La population de caribous reste basse mais en constante augmentation depuis l’arrêt complet des coupes forestières dans son aire de répartition et l’application de mesures sévères de sauvegarde, avec l’appui du public. La modification de pratiques de foresterie assure une dominance de forêts matures et permet d’autres activités en forêt, comme la récolte de champignons sauvages, tout en permettant des prélèvements ligneux répondant aux besoins de la région et de la province. L’exportation n’est plus nécessaire au maintien d’emploi dans le secteur.
La pêche de subsistance peut s’exercer pour toutes les espèces à condition que les stocks le permettent. Des techniques de pêche moins invasives ont permis le rétablissement de certaines espèces de poissons mais la chute du taux d’oxygène dans les eaux du Golfe a condamné plusieurs espèces marines. Malgré le plus grand respect dont bénéficient les cétacées, les populations se rétablissent difficilement.
La montée du niveau des mers menace des pans de la 132 que le ministère des Transports du Québec peine à reconstruire, quand il y parvient. Tout le monde connaît les rudiments de la voile et s’en sert à l’occasion pour ses déplacements. Les activités quotidiennes se déroulent pour la vaste majorité à distance de marche ou de vélo.
Certainement, la région a réorganisé toutes les sphères d’activités en priorisant le maintien d’écosystèmes productifs et diversifiés et le bien-être de la population générale plutôt que des intérêts pécuniaires singuliers. Ça inclut un marché immobilier et un système alimentaire nourricier à l’abri des soubresauts des boursicoteurs et autres spéculateurs.
La Gaspésie a su prendre acte des bouleversements à venir maintenant et agir en conséquence. Comment? Par la mise en place des processus décisionnels innovants, notamment en environnement.
Par exemple, tout procédé ou projet ayant une empreinte massive sur l’environnement peut faire l’objet d’un jury citoyen décisionnel, à sa demande. Les jurys se composent de citoyen(ne)s sans intérêt partisan, c’est-à-dire tirés au sort, en provenance de toute l’étendue géographique où se répercutent les impacts du projet, qui déterminent l’expertise nécessaire à la délimitation des enjeux et à la prise d’une décision éclairée. Une sorte de BAPE décisionnel auquel on a donné un droit de veto.
La protection environnementale offerte par le jury met à l’abri des sautes d’humeur politiques des écosystèmes qui peuvent se détruire en quelques années, mais qui prennent des décennies, voire des siècles à se rétablir pleinement. Le jury a refusé l’établissement de plusieurs nuisances industrielles. Celles acceptées doivent rendre des comptes publiquement et périodiquement sous peine de révocation de leur autorisation.
ÉLOGE D’UN TERRITOIRE À PRÉSERVER
Adrienne Cyr, native de la Baie-des-Chaleurs où elle est revenue vivre, complète son mémoire de maîtrise en Aménagement du territoire et développement régional à l’Université Laval. Celui-ci porte sur l’adaptation aux risques côtiers en contexte de changements climatiques.
Photo : Gilles Gagné
Ma fierté et mon appartenance à la Gaspésie sont directement liées à mon amour pour le territoire. Un territoire dont j’aime les courbes, les couleurs, l’abondance des ressources et la diversité des communautés. Un territoire que l’on façonne et que l’on voit se transformer au fil des années, au gré des décisions qui sont les nôtres et des aléas qui nous échappent.
Rêver la Gaspésie de 2040 sous une loupe environnementale implique une réflexion sur notre façon d’habiter et d’user du territoire. Elle implique aussi une prise de conscience des défis qui nous attendent quant à notre adaptation aux changements climatiques. Les tempêtes de décembre nous les rappellent avec efficacité lorsqu’elles emportent des segments de route 132 en guise de souvenir.
En vue des 18 prochaines années, j’imagine qu’on habite le territoire de façon plus éclairée : que nos choix en matière d’habitation, de transport ou encore de consommation intègrent une considération pour nos collectivités et notre
environnement. Laissant libre cours à mes fantasmes les plus fous, j’imagine qu’on redonne progressivement au bord de mer sa liberté de vaquer aux aléas côtiers. Qu’on s’ancre plus à l’intérieur des terres, au profit d’un littoral qui profite à tous et à toutes. En d’autres mots, que la résistance à l’érosion des côtes laisse place à la connaissance des risques, à leur acceptation et à notre retrait progressif.
J’imagine qu’on peuple plus densément nos coeurs de village. Qu’avec une offre plus abondante et abordable en logements, on se donne la possibilité de réduire nos distances quotidiennes qui séparent nos habitations de nos lieux de travail et de nos activités. J’imagine qu’on ait accès à des moyens de transport variés. Non seulement que le train passe (ce serait déjà ça), mais qu’il devienne une option de transport intermunicipal. Que les petites voitures, les déplacements actifs (à pied, à vélo, à trottinette, name it), le transport en commun et le covoiturage deviennent la norme. J’imagine, enfin, que l’on préserve les plus vastes étendues de notre territoire au profit de la nature elle-même.
Rien de bien radical, remarquez. La densité, les transports alternatifs à l’auto ou encore la préservation des milieux naturels font partie des discours publics et des solutions proposées pour répondre aux défis environnementaux actuels et à venir – oui, même dans les plus petites municipalités. D’ici 2040, j’aspire à ce qu’on vive le territoire en prenant appui sur une réflexion collective. Le rêve individuel devient le rêve d’une collectivité vers une occupation durable – ou peu importe comment on la qualifie – d’un territoire qui fait notre fierté.
Pour lire la suite du dossier :
DOSSIER RÊVER DE 2040 : PARTIE 1/7 CULTURE
DOSSIER RÊVER DE 2040 : PARTIE 2/7 ÉDUCATION
DOSSIER RÊVER DE 2040 : PARTIE 4/7 SPORT ET LOISIRS
DOSSIER RÊVER DE 2040 : PARTIE 5/7 SOCIÉTÉ