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7 juillet 2022 12 h 38

Dossier rêver de 2040 : partie 6/7 Santé

C’est le temps des vacances et en cette période estivale, GRAFFICI s’est permis de rêver en imaginant ce que pourrait être la Gaspésie de 2040. Des collaborateurs de tous les horizons partagent leur point de vue sur une foule d’enjeux qui, espérons-le, pourraient se concrétiser dans les prochaines années. Bonne lecture et bon été!

QUE LES PERSONNES HANDICAPÉES NE SOIENT PAS DES CITOYENS DE SECONDE ZONE

Francine Poirier, de Bonaventure, détentrice d’un baccalauréat en récréologie et d’un DEP en secrétariat; deux formations suivies en fauteuil roulant.


Photo : Simon Bujold

D’entrée de jeu, je vous dis que je suis une personne handicapée; je ne peux le cacher: je me déplace en fauteuil roulant. Je précise que je n’ai jamais eu honte d’être une personne handicapée et que je n’ai jamais songé à le nier ou le cacher. C’est un fait. Point.

Souvent lors de dépôts de lois ou de projets entourant les soins palliatifs, on entend l’expression « mourir dans la
dignité ». Mais avant de mourir dans la dignité, peut-on vivre dans la dignité? Selon le dictionnaire Larousse (2018), une des définitions de la dignité est le « respect envers une personne » mais également le « sentiment que quelqu’un a de la valeur ». Le respect de la personne, donc de sa dignité, est nécessaire pour le maintien d’une bonne santé mentale. Présentement, la Gaspésie ne traite pas avec dignité les personnes handicapées, tant celles qui demeurent dans la région que celles qui sont de passage.

Je considère que j’ai autant de valeur que ma voisine qui n’est pas en fauteuil roulant. Celle-ci n’a pas besoin de vérifier l’accessibilité d’un lieu avant de se déplacer. Moi, à l’instar des autres personnes en fauteuil roulant, si. Et malgré mes vérifications, il n’est pas rare de me retrouver face à un manque d’accessibilité. Ce serait bien de ne pas avoir à faire ces démarches. Je me sentirais respectée, et bienvenue, en tant que cliente dans tel ou tel commerce.

Parfois, des actions concrètes découlent de bonnes intentions. Les intentions sont bonnes mais … pas les actions. J’en ai vu des rampes d’accès qui se terminent abruptement dans la gravelle ou face à une porte qui ouvre par l’extérieur ou directement au pied d’un escalier qui mène au restaurant. Sans parler des endroits où je ne peux carrément pas aller! Et être confrontée à ces situations à répétition est dur pour ma santé mentale.

Aussi touristique que soit la région, celle-ci ne traite pas tous ses visiteurs de la même façon; il y en a qui sont traités
avec plus de dignité que d’autres. Les personnes handicapées, et en particulier celles en fauteuil roulant, qui viennent visiter la région sont souvent confrontées au manque d’accessibilité des lieux touristiques et d’hébergement. C’est cette catégorie de visiteurs qui est la moins respectée dans sa dignité. Ne pas pouvoir suivre ses amis ou sa famille lors d’une visite faute d’accessibilité ou devoir coucher ailleurs que le groupe avec lequel on voyage constitue, selon moi, une atteinte à la dignité de ces personnes.

Je rêve que la Gaspésie des prochaines décennies respecte la dignité de tous ses habitants, et de ses visiteurs. En 2040, la Gaspésie sera un modèle pour tout le Québec en termes de respect de la dignité des personnes.

 

LA NATURE GUÉRISSEUSE

Robert Arsenault, de Bonaventure, travailleur social retraité, comptant 25 ans d’accompagnement de personnes souffrant de troubles sévères en santé mentale, dans un processus de réinsertion sociale. Il a aussi travaillé pour développer de l’hébergement.


Photo : Gilles Gagné

En avril 2020, quand tout le Québec (et le reste du monde) vivait dans la peur d’être envahi par un visiteur invasif
et mal connu, la COVID-19, je m’apprêtais à entreprendre la saison des sucres dans ma cabane toute neuve, fraîchement construite de mes propres mains.

Comme la plupart des personnes, j’étais sujet à l’angoisse, voire même à la panique quand ce loup étrange et peu coutumier rôdait furtivement dans nos alentours. Face à ce danger à la fois imminent et incertain, je pris la décision de ne laisser entrer le stress qu’à très petites doses dans mon habitacle où l’odeur des sous-bois et des vapeurs d’eau d’érable occupaient déjà tout l’espace.

Ainsi, j’ai pu traverser ce premier printemps de pandémie sans trop de séquelles psychologiques.

Depuis toujours, j’ai choisi de vivre au coeur de la nature, au rythme des saisons.

Chez moi, depuis plusieurs années, j’ai laissé les arbres s’approcher de ma maison, juste assez pour ne pas trop sentir l’effet des vents dominants. Surtout les vents de la peur et de l’anxiété, les pires selon moi. Les arbres sont aussi des remparts.

Ici, en Gaspésie, pays de mer, de rivières et de montagnes à perte de vue, cela est possible. À la condition bien sûr, de ne pas se perdre soi-même de vue.

Nous sommes entourés de richesses qui ne demandent qu’à nous accueillir, nous soigner, nous guérir.

À côtoyer la nature, on devient plus humble, on descend vite de son piédestal. En marchant sur la terre à bois de mes
ancêtres l’hiver dernier, je vis un majestueux cèdre percé à trois endroits à des profondeurs allant jusqu’à 10 centimètres, par un grand pic des bois. Me voyant approcher, il s’est retiré à l’écart, le temps que je m’éloigne un peu. Ce cèdre hébergeait en son centre des vers qui le rongeaient par en dedans et menaçaient son existence. Cet oiseau piqueur les lui a enlevés et permis d’entreprendre sa guérison. Quelqu’un m’a déjà dit que l’on appelle cet oiseau « le guérisseur des arbres ».

Tout travaille autour de nous, en interconnexions, pour que la vie renaisse et se perpétue.

L’automne dernier, en faisant mon bois de chauffage, j’ai coupé un gros bouleau qui accompagnait un groupe de trois
érables, pensant dans ma tête de cartésien que ces derniers allaient donner encore plus d’eau au printemps suivant. Eh bien, ce fut le contraire qui arriva. Les deux érables les plus rapprochés du bouleau n’ont rien donné, rien.

Des spécialistes en foresterie ont découvert ces dernières années que les arbres communiquent entre eux, s’entraident donc par le moyen de systèmes racinaires très complexes créés en grande partie par des champignons. Sachant cela, je me suis demandé si mes deux érables étaient en deuil (pour vrai!). Peut-être avaient-ils voulu me punir de leur avoir enlevé leur ami, leur compagnon de vie. Qui sait? Mon souhait bien humble et un peu égoïste, je le reconnais, est qu’au printemps prochain, ils m’aient pardonné.

 

Pour lire la suite du dossier :

DOSSIER RÊVER DE 2040 : PARTIE 1/7 CULTURE

DOSSIER RÊVER DE 2040 : PARTIE 2/7 ÉDUCATION

DOSSIER RÊVER DE 2040 : PARTIE 3/7 ENVIRONNEMENT

DOSSIER RÊVER DE 2040 : PARTIE 4/7 SPORT ET LOISIRS

DOSSIER RÊVER DE 2040 : PARTIE 5/7 SOCIÉTÉ

DOSSIER RÊVER DE 2040 : PARTIE 7/7 TRANSPORT