DOSSIER SÉBASTE 5/5 : PAGE REPÈRE
Court historique : le sébaste à travers les années
Fin du 19e siècle – Le sébaste connaît un essor considérable alors que la flotte de pêche anglaise en capture des volumes importants.
1933 – Début de la pêche commerciale supervisée aux Etats-Unis.
1947 – La recherche sur le sébaste débute au Canada atlantique. Une pêche débridée suit peu après.
1959 – On débarque 380 000 tonnes métriques de sébaste dans l’est du Canada. On peut parler de surpêche. À des fins de comparaison, le volume de crabe des neiges qui sera pêché en 2023 dans le sud du golfe Saint-Laurent, entre la Gaspésie et la Nouvelle-Écosse, s’établit à environ 35 750 tonnes métriques, ce qui est l’un des plus abondants quotas des 40 dernières années.
1975 – La surpêche du dernier quart de siècle incite Pêches et Océans Canada à imposer des limites plus strictes. Les prises annuelles s’établissent à 103 000 tonnes métriques au Canada atlantique.
1979 – Les débarquements s’établissent à 82 000 tonnes métriques au Canada atlantique, dont environ 20 000 tonnes au Québec. La majorité des débarquements québécois sont concentrés aux Îles-de-la-Madeleine. La taille commerciale est alors de 10 pouces, ou 25 centimètres.
1982 – Les débarquements aux Îles-de-la-Madeleine totalisent 12 097 tonnes métriques en 1982 et 9 439 tonnes métriques en 1983. L’essoufflement de la ressource est résolument amorcé.
1987-1991 – Les pêcheurs québécois voient leurs prises augmenter sensiblement lors des années 1987, 1988 et 1989, avec un sommet de 16 869 tonnes en 1988 et une autre pointe de 16 089 tonnes en 1991, mais la chute est majeure par la suite.
1994 – Les pêcheurs québécois de sébaste livrent seulement 4663 tonnes.
1995 – Le moratoire est décrété. Seules des prises de 9,5 tonnes sont rapportées au Québec. Il faudra attendre 1998 avant que les captures dépassent les 100 tonnes, 140 en l’occurrence. Ce n’est qu’en 2011, en vertu d’un total de prises de 763 tonnes, que les transformateurs reçoivent globalement un total de plus d’un million de livres au débarquement, en l’occurrence 1 680 000 livres. Ces pêches sont exploratoires ou indicatives (index, dans le jargon des pêches) et la participation des détenteurs de permis varie énormément d’une année à l’autre, selon le prix offert.
2007 – Le faible prix ramène les débarquements québécois à 71 tonnes.
2014 – Après des années caractérisées par des prises de quelques centaines de tonnes, surtout par des Madelinots, le volume livré à quai chute à 49 tonnes. Le prix n’a pratiquement pas bougé depuis 10 ans.
En rafale
1. Historiquement, à partir des années 1950, ce sont les pêcheurs de poisson de fond des Îles-de-la-Madeleine qui ont capturé les principaux volumes québécois, habituellement les deux tiers des prises, parfois plus.
2. Certains noms d’usines sont demeurés familiers dans la mémoire des gens suivant les pêches commerciales, comme la Gorton Pew Corporation, une société américaine possédant une grande usine à Cap-aux-Meules dans les années 1960 et 1970. L’usine s’est ensuite appelée Madelipêche, après une prise de contrôle locale. Jusqu’à 500 employés y travaillaient, pour transformer environ 40 millions de livres dans les années 1970. C’est l’équivalent de 18 000 à 20 000 tonnes métriques. Les Madelinots utilisaient des bateaux significativement plus gros que ceux des Gaspésiens.
3. En Gaspésie, l’usine de Paspébiac a transformé jusqu’à 20 millions de livres certaines années, autour de 1970. Près de 400 personnes y travaillaient. Traditionnellement, la transformation en Gaspésie est géographiquement plus éclatée, puisqu’au moins une demi-douzaine d’usines achetaient du sébaste dans les années 1970 et 1980.
4. Les modes de transformation : les filets sont congelés en couches pour les marchés américain et canadien. Les poissons sont étêtés, parfois non, et ils ont le ventre coupé pour le marché asiatique, dont la Chine. Des additifs sont appliqués pour améliorer l’apparence, affectée par l’oxydation. Les filets frais sans peau sont gardés pour le marché local et régional.
5. Le sébaste transformé au Québec a essentiellement été vendu sur les marchés d’exportation, surtout le marché américain avant le moratoire de 1995. Puis, l’arrivée de la pêche indicatrice en 1999, avec un volume plus substantiel quoiqu’encore modeste, a diversifié les débouchés et ce poisson est aussi exporté vers l’Asie depuis un peu plus de 15 ans.
6. Le sébaste est un produit exigeant en main-d’oeuvre dans les usines. Il faut aussi du volume pour rentabiliser la pêche. C’est un produit à prix relativement faible au débarquement, 10 à 15 cents la livre avant 1983. En 2018 et jusqu’à 2022, son prix à quai s’établit à environ 50 cents la livre. Le prix à la sortie de l’usine atteignait entre 60 cents et 1 $ la livre jusqu’en 1983. Il atteint un peu plus de 2 $ la livre maintenant.
7. En 2018, Réginald Cotton, pêcheur de poisson de fond de Rivière-au-Renard maintenant à la retraite, mentionnait qu’une saison de pêche typique des années 1970 et 1980 se déroulait entre les Îles-de-la-Madeleine et la faille du Saint-Laurent, au large de Matane. « On débute la saison au large des Îles-de-la-Madeleine en avril, on remonte jusqu’au banc des Orphelins à la fin du printemps, on remonte encore vers le « croche » de Cap-des-Rosiers (où la péninsule gaspésienne s’infléchit vers l’ouest), on longe ensuite le sud d’Anticosti, en août et septembre. Puis, on se rend au nord d’Anticosti, du secteur de Carleton (toujours à Anticosti) à la pointe Est. On termine à la grande eau, au large de l’axe Mont-Louis-Sept-Îles. Les Madelinots se dirigent davantage vers Terre-Neuve plutôt que vers l’axe Mont-Louis-Sept-Îles », notait alors M. Cotton.
8. Les meilleurs moments pour pêcher le sébaste et le transformer, selon M. Cotton: du côté gaspésien, la capture se situe généralement du milieu du printemps jusqu’au début de l’été, bien que ce ne soit pas exclusif, avant une pause pendant la période plus chaude du milieu de l’été, souvent pour pêcher la morue. On reprend la pêche au sébaste en fin d’été jusqu’à tard dans l’automne. Aux Îles-de-la-Madeleine, la saison débute souvent plus tôt et elle est plus longue, en raison de la taille des bateaux.
9. Les façons de l’apprêter diffèrent. Bien des gens l’aiment rôti, avec ou sans panure. C’est le poisson de prédilection pour les fish and chips mais des espèces de remplacement, dont l’aiglefin, ont été choisies à partir des années 1990, devant le déclin des stocks. On apprécie également le sébaste parce qu’il a peu de vers.
Sources : Pêches et Océans Canada, Ancrés au large (un livre de Frédéric Landry), Roch Lelièvre, Réginald Cotton et Denis Éloquin.
Pour lire tout le dossier du sébaste :
DOSSIER SÉBASTE 1/5 : SCIENCE
DOSSIER SÉBASTE 2/5 : PÊCHEURS
DOSSIER SÉBASTE 3/5 : TRANSFORMATION
DOSSIER SÉBASTE 4/5 : COMMERCIALISATION